L’artiste Mustapha Boucetta est un sculpteur et peintre dont le travail est décrit dans l’interview accordé par K.Smaïl du quotidien El Watan sous forme de métaphore, le comparant à une “ménagerie mécanique” et à une “Arche de Noé” artistique. Il crée des sculptures métalliques dans son jardin à Kouba, en Algérie, et chacune de ses créations est une allégorie ou une représentation symbolique. Son travail est marqué par des éléments de la nature, de l’histoire et de la société dans laquelle il vit.
Mustapha est un autodidacte. Il a commencé sa carrière artistique relativement tard, à l’âge de 50 ans. Au départ, il restaurait des meubles et travaillait comme brocanteur. « Il fut longtemps un antiquaire avisé et un restaurateur de meubles traditionnels algérois, algériens. Un métier qu’il avait du « saisir au vol » depuis l’adolescence en regardant faire des maîtres de la ville tel Sfaxi du quartier de Sidi Abderrahmane à la Casbah. La peinture, devenue activité centrale depuis les terribles années de la guerre civile, ne lui fit pas pour autant oublier les pulsions particulières que l’on a à travailler le bois, le découper, l’assembler, le polir… Puis peu à peu (Mustapha est un voyageur de lents et longs parcours -il fut steward à bord des caravelles d’Air Algérie…), il en vint à la sculpture de grands formats avec des tôles de voitures récupérées au gré des hasards chez les ferrailleurs de Boudouaou et ailleurs... » écrit Abderrahmane Djelfaoui sur son blog.
Cependant, suite à un choc émotionnel causé par les événements tragiques liés au terrorisme des années 1990 en Algérie, il a ressenti le besoin de s’exprimer à travers l’art, d’abord par la peinture puis par la sculpture. Ses œuvres sont marquées par un sentiment de mal intérieur qu’il cherche à extérioriser à travers l’art. Il se décrit comme un artiste gourmand et avide de création. Il apprécie le défi que représente la peinture et la sculpture, qu’il compare à un délire. Son esprit est constamment en ébullition, générant de nouvelles idées et projets artistiques. Il reconnaît l’importance de l’humilité dans son travail et semble être animé par une passion pour l’art qui le pousse à créer et à s’exprimer à travers ses sculptures et ses peintures.
Sur cette phase très particulière de son évolution d’artiste plasticien vers le sculpteur, produisant d’impressionnante et immense sculptures d’animaux, d’arbre, de navire et « la percutante sculpture-architecture de la casbah »… Mustapha Boucetta, s’explique : « La sculpture est un ressenti… Et pourquoi pas les animaux !! Quand je vois par exemple un hippopotame (bien sur dans des reportages sur ARTE ou sur des chaines spécialisées), je suis fasciné… Peut être parce qu’il y a là une certaine quiétude et sérénité qu’on ne retrouve plus aujourd’hui dans la société dite moderne. El hbal adha (cette folie) ce n’est pas du modernisme ! Quoi que …. Je suis fasciné, parce que d’une certaine manière un animal si tu lui fous la paix, il te fout la paix. Comme on dit bederja : « hchicha talba m3icha ». Bon ce n’est vraiment pas le cas pour un hippopotame. Mais un hippopotame si tu ne te trouves pas sur son chemin il te fout la paix. Il passe son chemin. Si tu es sur son chemin, tu es un homme mort…. Mais si tu n’entres pas sur son territoire : hennini nhenik…. Alors je dis : quelle puissance, quelle force et en même temps quelle sérénité chez ces animaux… ».
Feu Kamel Yahiaoui (1966 – 2023) et l’hippopotame de Mustapha Boucetta
Parmi les sculptures monumentales de l’ «arche» de Mustapha on apprécie l’ hippopotame, le cacique amphibien, le cheval de «Troie», des fossiles et oiseaux préhistoriques représentant les réflexes du jurassiques à notre époque, un cobra, des œuvres faisant aussi référence la “Issaba” et l’ère du président Bouteflika, des sculptures symbolisant les ressources énergétiques (gaz et pétrole), l’arbre en lien avec la déforestation et les incendies criminels, une grande barque symbolisant le drame des harragas et bien d’autres encore.
A titre d’exemple et au sujet d’une de ses sculptures : « Le phénix », voilà ce qu’à écrit Francine Ohayon, une fan de sa sculpture : « Mustapha Boucetta met son savoir-faire voire sa maîtrise technique au service d’un message destiné à ses compatriotes d’abord, à un public plus large, ensuite, public censé être ou amateur d’art ou engagé politiquement et socialement. Les qualités de composition de cette sculpture sont indéniables, l’artiste revendique, je suppose, son intention d’illustrer l’actualité de son pays, d’interroger indirectement le regardeur d’œuvre en laissant toutefois la réponse ouverte. Nous sommes loin de la représentation des oiseaux du lac Stymphale au bec, au serres et aux ailes d’acier, car il n’y a rien ici de monstrueux. Il n’est question dans cette œuvre que de feu, feu du regard de Mustapha Boucetta, feu de sa passion pour la création, pour la sculpture, feu de son patriotisme incontesté, feu de son chalumeau et bien sûr, feu allusif aux incendies dévastateurs des forêts et des villages de son pays. « Le phénix » est très symbolique, très porteur, très chargé de son poids émotionnel, très grand de sa dimension passionnelle car quelle référence plus appropriée que cet oiseau mythique qui renaît de ses cendres? Tout est feu, tout est flamme, tout flambe, tout flamboie, tout chatoie, tout est là pour faire figure d’allégorie des cycles de la mort, de la résurrection donc de la vie. Le phénix de Mustapha Boucetta arbore fièrement, impérialement et royalement sa tête d’aigle car l’artiste a le souci du détail. Il a l’allure altière et fière des porteurs de burnous qui, dans un mouvement ample, souple et dégagé, balaient la triste réalité pour semer d’un geste auguste, les graines de l’espoir. »
Chacune des créations du « Le vieil homme et l’ache » porte un message ou une réflexion sur des enjeux contemporains ou historiques, ainsi que sur des thèmes variés. Mustapha Boucetta est un artiste talentueux ; il invite les spectateurs à réfléchir sur des questions sociales, historiques et environnementales, tout en mettant en avant son processus créatif et sa passion pour l’art.
Tarik Ouamer-Ali
Boucetta Mustapha est né le 15 février 1949 à Alger, il est artiste peintre, sculpteur. Il a exposé en individuel à la galerie Thevest en 1999 et plusieurs expositions collectives notamment à Alger en 2001, 2003, 2004, 2005, 2006, 2009, 2010, 2011 ; à Rouen 2002, Marseille 2003, Zéralda 2005, Saint-etienne du Rouvrey 2006, Taboudoucht en 2008 pour un hommage à Issiakhem, à Mostaganem en 2011 et 2012 à l’occasion de Most’art, Relizane 2013 et Tlemcen en 2021. Ses œuvres sont au musée Nasr eddine Dinet de Bou Saâda.
Source : Dictionnaire Mansour Abrous
La percutante sculpture-architecture de la casbah
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Feu Abdelwahab Mokrani et Mustapha Boucetta