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A LIRE : LE MYTHE DE L’ARTISTE BOHÈME

Les plasticiens ne vivent pas que d’art et d’eau fraîche. Mais leur travail reste auréolé d’un mythe tenace, hérité du XIXe siècle, qui empêche de poser l’épineuse question de leurs conditions matérielles d’existence. La figure persistante du génie révolté, bohème et désintéressé masque une réalité économique triviale : l’artiste dont l’œuvre est exposée est souvent le seul de toute la chaîne de production à ne pas être rémunéré. 

Bref, beaucoup estiment que l’artiste français est un « assisté ». Si la figure du créateur suscite tant de jalousie, c’est parce qu’elle est associée à l’image d’un être chanceux et libre, qui vit sa passion. Cela fait de lui un nanti et l’on espère bien qu’il paye le prix de cette liberté. Si, en plus de prendre plaisir à son travail, l’artiste gagnait dignement sa vie, ce serait le comble !

Ce mythe de l’artiste bohème encourage largement une « culture de la gratuité ».

L’omerta règne autour de certaines pratiques scandaleuses mais totalement acceptées. Ainsi, dans le cadre d’un salon, d’une exposition collective ou monographique, toute la chaîne est payée, du commissaire qui a organisé l’événement jusqu’à la personne qui tient la billetterie, en passant par le transporteur, l’encadreur et le graphiste qui réalise l’invitation ou le catalogue… Tout le monde reçoit de l’argent… sauf l’artiste. 

On oublie presque toujours d’inclure dans les budgets celui sans lequel rien n’aurait été possible ! Quand un éditeur ou une institution ont besoin de visuels pour illustrer un livre sur l’art contemporain, ils demandent systématiquement à l’artiste de céder ses droits dessus ; et quand ¬celui-ci est invité à donner une conférence, il est rarement payé, sous prétexte que cela lui fait de la publicité. Lorsqu’il participe à une exposition collective ou personnelle dans une galerie, il doit même avancer de sa poche le coût de la production de son œuvre — cette somme qui lui est ensuite remboursée sur le prix d’une éventuelle vente.

Un collectif de plasticiens et de graphistes baptisé « Économie solidaire de l’art » a décidé en 2014 de sortir du silence : ils revendiquent notamment un « droit de monstration », autrement dit le fait de recevoir une rétribution en échange de la présentation publique de leurs œuvres, comme c’est le cas notamment au Canada…

Il est urgent de sortir des mythes, quels qu’ils soient, pour réfléchir à la fonction sociale de l’artiste et à des modes de rémunération adaptés.

Source : Eric Oster
Président Fondateur des ARTS Ô SOLEIL
www.les-arts-o-soleil.com