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Fatma Zerhouni-Rahal (1939 – 2018) : Artiste peintre et Tisserande

S’il y a bien un vocable qui caractérise pour nous aujourd’hui, le parcours de Fatma Zerhouni, comme sa personne, c’est celui d’engagement auquel nous pourrions adjoindre une passion incommensurable pour l’existence et l’Algérie.

Tout au long de ses 79 années d’existence, toute son action comme son inflexible volonté, auront collé, sans accroc, à l’épopée nationale. Tout d’abord, l’enfance au sein d’une famille où le père, fonctionnaire des chemins de fer,
apprendra à chacune de ses cinq filles autant l’appartenance et la fidélité à une patrie, que la nécessité d’exister par elles-mêmes.

Puis la jeunesse, durant des années 50 fondatrices, lorsque Fatma Rahal, faisant déjà montre de goûts personnels solidement forgés, choisit de mettre son exceptionnelle personnalité enjouée et enthousiaste, au service de la jeunesse, c’est-à-dire de son indépendance. Ses premières affectations l’emmèneront, toute jeune fille, dans les
montagnes de Kabylie, où elle lie une relation qu’elle ne cessera jamais d’évoquer, avec de petits enfants auxquels elle fait fredonner à voix basse, min djibelina, déjouant malicieusement, la surveillance d’une autorité coloniale intraitable.

C’est auprès de cette jeunesse algérienne complètement démunie des dechrates, qu’elle effectue ses premières expériences pédagogiques sur le dessin et la créativité artistique, produisant avec eux des témoignages qu’elle conservera jusqu’à la fin de sa vie, tel un trésor inestimable.

Aux lendemains de l’indépendance, c’est encore une véritable fièvre créative qui s’empare de celle qui poursuit désormais un rêve algérien auquel elle ne devait jamais cessé de croire : boulimique d’activité, elle s’engage dès lors sur plusieurs fronts : le combat pour la femme algérienne au sein de l’UNFA, celui pour l’éclosion d’une culture nationale de qualité, oeuvrant à la naissance d’une jeune muséologie nationale en collaborant activement aux côtés de l’artiste Mohamed Louaïl à la création des collections du premier musée africain de l’enfance, l’art enfin, participant au sein de l’UNAP, dont elle est membre, aux premières manifestations de ces années exceptionnelles.

Sa rencontre avec son époux, un moudjahid de la même trempe qu’elle, ne devait pas mettre fin à sa carrière d’artiste: bien au contraire, désormais solidement épaulée, elle se lance dans de multiples collaborations avec les femmes peintres Kheira Flidjani et Djamila Bent-Mohamed, exposant avec les jeunes peintres qui émergent en cette période, participe à de nombreux programmes d’alphabétisation, gère un établissement scolaire, représente l’enfance Algérienne à l’étranger à l’occasion de concours internationaux, etc…

Une fidélité inattaquable à ses valeurs premières, sa vision de l’art demeura toujours liée à trois de ses plus grandes passions : son pays, l’enfance et la femme : Tel est le thème, croyons-nous, de ses toutes premières productions à l’aquarelle, et au travers de sa production plus récente de tisserande, celui de la femme muselée, enfermée, apparaît comme l’un des plus souvent abordés dans les expositions qu’elle réalise au palais des Raïs, au palais de la culture, au musée de Médéa, à Tizi-Ouzou….

Que de fois n’avons – nous entendu Fatma Zerhouni affirmer que l’avenir d’un pays, c’est sa jeunesse et sa culture ! Dans les années de braise, c’est aux côtés des enfants de Bentalha qu’elle déploie son actif combat pour la justice et l’accomplissement de soi. De même , lorsque plus récemment, déjà âgée et malade, elle se porte volontaire pour aider à la gestion des ateliers pédagogiques du musée national des beaux-arts, elle n’hésitera pas à y passer toute une nuit pour accueillir les enfants dits de la lune. Aujourd’hui certes, nous nous sentons bien orphelins de sa bonne humeur légendaire et de sa présence radieuse, mais elle nous laisse en héritage une telle multitude de rêves et d’enthousiasmes que nous croyons ne pas avoir le droit de baisser les bras. Puissions-nous seulement retrouver, dans cette richesse immense qu’elle nous a léguée, un brin de cette aptitude à la vie qui était la sienne.

Dalila Mahammed Orfali

 

Fatma Rahal Zerhouni (1939 – 2018)

Née en 1939 à Sidi-Akacha, près de Chlef.
– 1955-56, prend quelques cours du soir de peinture au lycée Gauthier.
– Diplôme en psychologie de l’enfant et adolescent de l’université d’Alger.

Parcours artistique :
– 1964-68, Participe à la création du musée de l’Enfant.
– 1964, Figure parmi les artistes du premier salon de l’UNAP.
– 1964, juin, première exposition collective où elle expose « les barbelés ».
-1964, décembre autre exposition collective où elle expose « formes et reflets ».
– 1965, octobre et novembre, expose à la salle Ibn Khaldoun dans l’exposition « Jeunes peintres algériennes ».
– 1966, exposition collective à l’UNAP.
– 1967, exposition collective à l’APC de Tizi- Ouzou, puis à la galerie de la ville d’Alger.
– 1974, exposition collective à la galerie des quatre-colonnes où elle expose ses tapisseries.
– 1975 : devient membre de l’UNAP.
– 1975, exposition collective avec l’UNAP à Tokyo et Djakarta.
– 1978, exposition à l’UNAP à l’occasion de la journée de la femme.
– 2001, exposition individuelle où elle expose des gravures sur verres.
– 2002, exposition collectives au Palais des Raïs.
– 2003, exposition collective dans le cadre de l’année de l’Algérie en France.
– 2010, mars et avril, expositions individuelles de tapisseries et de tissages au Palais de la culture Moufdi Zakariah.
– 2010, Participe au festival de la création féminine au Palais des Raïs.
– 2014, exposition de tapisseries sous le titre «femmes en haïk » au musée national du Bardo.
– 2015, Exposition individuelle de tapisseries au musée national de Médéa.

Parcours pédagogique :
– 1958 : enseigne le dessin à l’école Guepratte de Belcourt.
– 1961-62 : Ecole Souk el Had, près de Ménerville (Thénia).
– De 1958 à 1999, animation d’ateliers de dessins d’enfants.
– 2003 : atelier-solidarité avec les enfants victimes du séisme.
– 1997 : atelier avec les enfants de Bentalha.
– 2013 : obtient un diplôme de reconnaissance pour animation reconnaissance et culture.
– 2014-2017 : participe et anime les ateliers pédagogiques du musée national des beaux-arts ; mène différentes expériences avec les enfants atteints de la Xeroderma Pigmentosum dits les enfants de la lune.

Autres activités :
– Militante des droits des femmes au sein d’associations.
– Animatrice de différentes conférences sur divers sujets. 2010, participe à un atelier organisé sur la préservation de l’environnement.
– Participation à différentes émissions radiophoniques et télévisées en tant qu’invité principale.

Bibliographie :
– De 1964 à 1978, différents articles de presse la concernant paraissent dans le mensuel revue africaine et dans les quotidiens Echaâb , El-Moudjahid, Le Peuple.
– En 2011, le magazine Dzeriet lui consacre un portrait d’artiste.
– Le dictionnaire Diwan el Fan lui a également consacré une notice biographique.