L’exposition du designer Abdelkader ABDI se déroule au Centre Culturel Algérien à Paris, en France du 8 mars au 13 avril 2024. A cet occasion, il partage son univers poétique et métissé conçue comme une installation. Cette exposition dévoile un ensemble de peintures, verreries, céramiques…, fruits d’une inspiration sans cesse renouvelée fusion de recherches industrielles et artistiques au profit de l’émotion et de la surprise. La carrière exceptionnelle de Abdi est marquée par plusieurs collaboration de haut niveau avec plusieurs éditeurs comme Alessi, Glass, Forum design, Bisazza, CIAV Meisenthal, Cinna, Daum, Via, galaxy, lemarchand, ligne roset-Cinna, Néotu, Sommer.. etc.
Designer depuis plus de quarante cinq ans, il est diplômé de l’École des Beaux-Arts d’Alger en 1977, puis de l’École des arts décoratifs de Paris en 1979, lauréat dès ses débuts, en 1981, du SM d’argent au Salon du Meuble de Paris, Abdi Abdelkader a gagné une reconnaissance internationale, notamment depuis sa rencontre déterminante, au début des années 1990, avec le maestro italien Alessandro Mendini, à l’invitation duquel il collaborera à plusieurs reprises. Designer multiprimé, il a notamment été professeur à l’École des Beaux-Arts d’Alger de 1982 à 1989 et a enseigné à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris de 1989 à 1991, à l’ECM (Étude et création de mobilier), école d’architecture Paris–Conflans de 1993 à 1997 et à l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans, à compter de 1991. Il a été commissaire et scénographe de l’exposition Hommage à Picasso à Alger en 1987 et directeur artistique pour la société Forum Design à Séoul en 1990, lemarchand en 2000 et Dacryl en 2013. En 2009, le centre international d’art verrier de Meisenthal (CIAV) l’invite pour un travail de recherche.
L’architecte Marcelo Joulia légende une photographie de Abdi signé par Jean Ber «Abdi, c’est comme un dessin au fusain, gestuel, unique, et parfois fragile.». Emprunt de souvenirs liés à sa ville natale : Alger, ainsi et à chaque fois qu’il imagine une nouvelle pièce, il replonge dans son enfance à l’ombre de la casbah : « Tous mes souvenirs sont gravés dans mon disque dur », lit-on sur Jeune afrique (2010). De son enfance à Alger, il se souvient des ruelles où il aimait déambuler et des échoppes des artisans qu’il regardait pendant des heures tisser, broder, forger, repousser le cuir ou travailler le bois. De ses observations répétées naîtra sa vocation et c’est naturellement qu’ Alger et son enfance s’immiscent dans ses créations, les tajines et couscoussiers qu’il conçoit pour la prestigieuse maison Alessi et dont les couvercles sont rehaussés d’un croissant de lune orange ou bien de ces vases dont la courbe rappelle celle des minarets.
Utilisant des matériaux comme le métal, le Dacryl, le verre ou l’Inox, Abdelkader Abdi développe un vocabulaire qui ne manque pas d’audace formelle et d’espièglerie, comme en témoignent ses créations notamment les confortables chaises-moutons tout de blanc vêtues crée au début des années 90 à la demande de l’architecte et designer Alessandro Mendini, les chaises-moutons de Abdi ont été sélectionnées et présentées à Milan avec les créations du Britannique Michael Young, du Néerlandais Jurgen Bey, des Français Ronan et Erwan Bouroullec et de l’Italienne Anna Gili.
Abdi Abdelkader et Alessandro Mendini
Prix et récompenses
Abdelkader Abdi incarne l’excellence et l’innovation dans le domaine du design. Son parcours remarquable est jalonné de nombreux succès et récompenses prestigieuses, qui témoignent de son talent exceptionnel et de sa contribution significative à l’univers du design contemporain. Parmi ses nombreuses récompenses figurent le prestigieux Prix du SM d’argent au Salon du meuble de Paris en 1981, qui marque le début d’une série de succès sans précédent. En 1992, il se voit décerner le Nombre d’Or au Salon du meuble de Paris, une reconnaissance supplémentaire de son génie créatif et de son influence dans l’industrie du design. L’année 2001 a été particulièrement mémorable pour Abdi, qui a été honoré par plusieurs prix d’importance capitale. Il a remporté le Prix de la presse internationale de la critique du meuble contemporain à Paris, ainsi que le Prix de l’innovation au Salon du meuble de Paris, soulignant ainsi son engagement envers l’originalité et la qualité. Sa renommée dépasse les frontières nationales, comme en témoigne sa Mention spéciale au concours international “Nomad light” en Italie, démontrant ainsi son rayonnement et son influence à l’échelle mondiale. En 2002, Abdi Abdelkader a été honoré du Prix du ViA à Paris, une récompense qui consacre son impact durable sur le paysage du design contemporain. De plus, il a été désigné comme le meilleur designer français de l’année par le Magazine Wallpaper du Royaume-Uni, une reconnaissance ultime de son talent exceptionnel et de son influence dans le monde du design.
L’empreinte indélébile sur le monde du design
Abdi Abdelkader enchaîne les créations et les expositions notamment Les Années Abdi programmée au printemps 2003 à l’INA (l’Institut du monde arabe) à Paris, qui présentait pour sa part 20 ans de parcours de designer. Ses créations empruntent à la culture orientale couleurs, formes et inspiration tout en affirmant une profonde originalité, et un sens de l’humour singulier, elle se proposait “d’aller au-delà du miroir et de traverser les apparences pour atteindre l’essence même de l’expression, des expressions multiples et métissées de l’œuvre d’Abdi”, sont présentés La commode Rocca, incrustée de clous, un peu saharienne. Un empilement de «couscoussières» revisités pour Alessi. Le pouf El Mondo. Des soliflores soufflés à Murano… Autant de pièces disparates d’Abdi Abdelkader.L’exposition avait reçu le soutien du Museo Alessi et la collaboration des sociétés Alessi, Octant et Vidon-Gerlier. Le commissariat en avait été confié à Gilles de Bure, journaliste et auteur de nombreux ouvrages sur l’art, l’architecture et le design.
L’édition 2001 du Salon international du Meuble de Paris avait été l’occasion d’apercevoir sa Tool Box, une autre création de Abdi pour Roset Cinna, une table déployable, à plusieurs niveaux, inspirée de boîtes à outils ou encore de boîtes à couture de grand-mères. Directeur artistique d’une collection de meubles pour Lemarchand, baptisée “Pulsions”, Abdi a auparavant invité Pierangelo Caramia, Christian Ghion, Bernard Justin, Bruno Houssin, quatre créateurs qui se sont vus assigner des typologies de produits spécifiques et deux matériaux : le bois de bouleau et le métal avec une finition aluminium. Le résultat fut une ligne de produits pour Lemarchand.
Le travail de Abdi était visible à l’exposition “25 ans d’atelier mobilier : hier aujourd’hui demain”, en 200 ou l’Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs (Ensad) présentait les réalisations d’une cinquantaine de créateurs de mobilier, tous passés par son atelier qui fut le premier dédié à la conception de mobilier dans une école d’art. A ce sujet Jean-Claude Maugirard écrivait en2003 sur le catalogue “Design algérien nouvelle génération” : “L’atelier mobilier de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs que j’avais crée fin 1977 grâce à la volonté de Michel Tourlière, directeur de l’école, et au soutien des industries Françaises de l’Ameublement, recevait des étudiants diplômés des différents départements de l’école mais aussi, déjà des candidats venant d’autres écoles de France ou de l’étranger (…) Abdi, Yamo et Chérif arrivèrent successivement et dans cet ordre à l’atelier, avec leurs bagages de certitude. Formés à l’architecture intérieure ou au design industriel, leur façon d’aborder le mobilier était très liée à leur savoir professionnel (…) Les meubles totem d’Abdi, les luminaires de Yamo, les sièges de Chérif ont en fait bouleversé les signes communément admin dans l’univers du meuble des ces années-là. Aujourd’hui, la création internationale a reprise le flambeau de ce droit à l’expression en oubliant souvent qu’elle le doit à quelques pionniers dont Abdi, Yamo et Chérif font partie. incontestablement.”
L’engouement de Abdi pour la matière Dacryl, un verre de synthèse haut de gamme, à base acrylique, transparent, qui se prête à une infinie variété de couleurs, de textures et d’inclusions est né de l’amitié nouée entre le designer Abdi et le créateur de la matière Dacryl, Gilbert Meyer. L’exposition du 2006 à la Galerie Luc Queyrel (Paris) revele le talant incontestable du designer algérien, qu’il s’agisse de la commode “Maestro” et des vases courts ou longilignes, en strates noires et blanches ou en couleurs, de sa bibliothèque modulaire en plaques de couleurs interchangeables et avec une finition remarquable. La galerie Mamia Bretesché donna également à voir, en 2007, les séduisants vases-bougeoirs en verre soufflé et des vases-minarets hauts de 120 cm, en Dacryl, avec leur alternance de bandes de couleurs inspirées de mosquées de Damas à Cordoue. Egalement en plaques Dacryl de couleurs interchangeables, sa bibliothèque se monte quant à elle par modules et s’adapte à tous les espaces.
En 2009, le Centre Pompidou à Paris présentait une exposition “VIA Design 3.0”. On pouvait notamment y voir un cabinet de 1991 baptisé Houn (Edition Via Diffusion), une création de Abdi. Celle-ci figurait parmi une sélection de quarante prototypes présentés au nombre des pièces “les plus représentatives du design français appliqué au cadre de vie” et destinés, pour partie, à rejoindre le fonds de design du Centre Pompidou, déjà riche de quelque 3000 pièces.
En 2013, à l’initiative du salon Playtime Paris, “Play With Design” est “né du désir d’offrir de nouvelles sources de réflexion sur l’univers du design pour enfants“. Abdi y était présent avec la Smala, une structure évolutive combinant des éléments assemblés par des sangles et “offrant la possibilité de s’asseoir, se rouler, glisser, se tortiller, s’étirer, ramper, se vautrer...”. La première édition avait pour thème le jeu sous toutes ses formes.
Couverture du catalogue de l’exposition “Design algérien nouvelle génération”
2003, l’année de l’Algérie en France – Lieu : VIA – Période du 09 janvier au 23 février 2003
“Design algérien nouvelle génération” de 2003
En 2003, il est désigné commissaire de l’exposition “Design algérien nouvelle génération” présentée au VIA du 09 janvier au 23 février 2003 à l’occasion de l’année de l’Algérie en France, il affirme “J’ai assumé la direction de ce projet en lançant un appel aux designers-plasticiens algériens vivant en Algérie et en France : en mettant l’accent sur la recherche d’idées fortes : en aidant à développer chaque concept tout en respectant la personnalité de chacun : en veillant enfin à la cohérence de l’ensemble en évitant les redondances.”
Sous le titre de “Designers Créoles”, Le critique d’art Gilles de Burne note au sujet de cet événement : “Revient alors en mémoire l’analyse de Aziz Chouaki qui qualifie les créateurs algériens d’artistes créoles. parce que, explique-t-il, en Algérie, “la souche de culture première est berbère, royaumes, langue, mémoire orale. Sont venues S’y greffer des souches carthaginoises, latines (Rome restera plus de quarte siècles en Algérie, le latin était langue officielle), et enfin arabes, ottomanes et surtout françaises. Comment s’étonner dés lors que la porosité, ici soit presque érigée en système ? En tout cas, qu’elle constitue à la fois une origine, un moteur et peut-être un objectif… Artistes créoles, l’expression est heureuses et étonnamment chargée de sens. Quelles souches sont donc venues se greffer sur ce qui est présenté aujourd’hui ?” plusieurs artistes designer figurait dans cette opus initiateur, Selma Aboulola, Chafika Aït-Oudhia, Safir Alleg, Amira Atallaoui, Abdelaziz Bacha, Djinane Benlabed, Amel Cherif, Bilal Cherif, Souad Delmi Bouras, Fatma Zohra Djabella, Abderrahim Dorbani, Abd El Baki Drias, Feriel Gasmi, Mohamed Fayçal Guenni, Youcef Hadbi, Faïza Hafiane, Samir Hamiane, Kabila Kalache, Fatima Krim, Ferial Meguellati, Tania Chebli Messaoudene, Nasereddine Ouahab, Assia Ould Kablia, Imaad Rahmouni, Khaled Sadi, Mohamed Yahi, Mahmoud Zoubir Hellal.
Nourri par des espoirs et des projets pour son pays, l’Algérie, l’exposition “Design algérien nouvelle génération” de 2003 aurait dû marquer le début d’un grand projet de design sur le sol algérien pour Abdelkader Abdi. Notamment, il envisageait la création d’une école de design, qui malheureusement ne verra jamais le jour, tout comme son exposition prévue au MAMA qui n’aura pas lieu. Son éviction de la scène locale algérienne coïncide avec l’émergence d’une nouvelle direction prétendant prendre en charge l’avenir du design en Algérie. Une direction composée de personnes qui se sont autoproclamées maîtres du design, sans avoir produit ni édité une seule pièce au niveau local, sans même évoquer le reste du monde.
Le design en tant qu’expression culturelle
Il semble que le texte de Michel Bouisson paru en 2003 dans le catalogue de l’exposition “Design algérien nouvelle génération” puisse être interprété comme une prémonition. Il écrit : “L’objet n’a de valeur qu’en relation avec le milieu humain qui lui a donné forme. Il exprime sa présence au monde et sa culture. Le design, en tant qu’activité liée aux objets, est ainsi fait qu’il se pratique et prospère dans des sociétés humaines optimistes, confiantes dans leurs ressources, car il tente d’exprimer sans cesse leur devenir à l’aune de leur présent. Si cela est vrai, alors cette exposition est de bon augure.” En cela, il anticipe un avenir où le développement du design serait un indicateur de la santé et de la vitalité de la société.
En vérité, il existe davantage d’obstacles entravant la pratique du design que de défis ou de projets. Des facteurs tels que les difficultés économiques, les divergences dans les priorités de la politique culturelle nationale, et le manque d’investissement dans les industries qui intègrent le design dans leurs produits limitent les opportunités pour les designers et réduisent l’impact potentiel du design sur l’économie nationale. De plus, le facteur humain exerce une influence négative sur les sphères décisionnelles les plus élevées, ajoutant ainsi à ces obstacles.
Reconnaître la valeur du design en tant qu’expression culturelle ne suffit pas ; il est nécessaire de soutenir les conditions qui favorisent son développement et son épanouissement dans la société.
Tarik Ouamer-Ali
Créations de ABDI ABDELKADER
Affiche de l’exposition du designer Abdelkader ABDI
Période : du 8 mars au 13 avril 2024
Lieu : Centre Culturel Algérien à Paris, France.
Site : www.cca-paris.com
Photos de l’exposition de Abdi ABdelkader au CCA Paris en France.
Source : page Facebook CCA PARIS
