Le Musée d’Art Moderne et Contemporain d’Alger est le principal bénéficiaire des œuvres d’Abdelwahab, notamment grâce aux donations, mais il n’a jamais organisé de rétrospective pour ce peintre exceptionnel et unique. À la place, il a privilégié des affiches, comme celle d’Olivier Debré (2010), un peintre français sans grand intérêt pour la peinture algérienne. Qu’a apporté ce peintre français à l’art algérien ? Les propos du directeur du MAMA et commissaire résonnent encore, justifiant le choix de cet artiste, alors qu’il serait plus pertinent de se tourner vers l’Asie pour comprendre son parcours et les raisons de sa présence là-bas. Un catalogue épais a été consacré à ce peintre français. Le design a également occupé une place importante au MAMA, notamment le design spaghetti. La photographie a également suscité de l’intérêt.
Abdelwahab Mokrani, l’enfant prodige de la peinture algérienne, est décédé à l’âge de 58 ans, le 3 décembre 2014 à Alger, en mettant fin à ses jours à son domicile. Son œuvre survivra à tous les artistes moins talentueux, et il ne fait aucun doute que son impact perdurera avec le temps. En cherchant attentivement, on ne trouve aucun catalogue qui rende justice à son travail, ni même de texte critique (à l’exception des articles de journalistes), contrairement à certains privilégiés proches du ministère de la Culture en Algérie.
Les expositions ont pris une tournure moins spectaculaire après la période de Khalida Toumi, et les événements festifs qui ont permis l’acquisition de plusieurs œuvres de la collection ne sont plus d’actualité. Les achats effectués lors du 50e anniversaire de l’indépendance sont les plus importants, mais le catalogue qui fait l’éloge de la collection ne publie pas les informations essentielles : à quel prix les œuvres ont-elles été acquises lors de cet événement et d’où proviennent-elles (particuliers, artistes, galeristes, maisons de vente, etc.) ? Pour le bien du marché de l’art, il est primordial de connaître la valeur des œuvres. Le ministère en est-il conscient ? Apparemment non. Depuis l’exposition de Djamel Tatah en 2013, le MAMA est entré en phase d’hibernation, et cela fait déjà 10 ans, ce qui est vraiment triste.
Tarik Ouamer-Ali
« Avec Kateb, Issiakhem, Lacheraf, El-Anka, Khadda, Djaout et quelques autres, Mokrani fait partie de cette petite bande Cheyenne éparse dans l’espace et dans le temps, d’artistes, de poètes, d’êtres rares en Algérie, qui, pourtant, par un sublime paradoxe, sont des représentants entièrement légitimes et extrêmement précieux de l’âme de l’Algérie, terre, rêve, lumière, douleur et sang ; ceux dont il faut espérer qu’ils finiront par “gagner la guerre” après en avoir perdu chaque bataille ! » Amin Khan, Al Huffington Post,
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Oeuvre en Frangments
En 2001, l’artiste Abdelwehab Mokrani, après avoir perdu son statut d’exilé politique, survit dans le squat artistique Alternation situé à Paris. Il noie ses angoisses dans l’alcool et la peinture. Portrait sensible d’un homme, au coeur de la vie de bohème, où la poésie et la création sont les seules armes pour surmonter la précarité de sa situation. Abdelwehab Mokrani fut élève de l’Ecole nationale des Beaux-arts d’Alger, puis de l’Ecole supérieure des Beaux-arts de Paris, de 1976 à 1982. Diplômé, il est résident une année à la Cité internationale des Arts à Paris. Il participe à une dizaine d’expositions collectives, entre autres, au centre culturel de la wilaya d’Alger, au musée Picasso d’Antibes, à l’Exposition universelle de Séville, à la galerie Nadjet Ovadia de Nancy. Après un retour en France à partir de 1997, Abdelwehab Mokrani vit et travaille à nouveau à Alger depuis 2004.
Editions-harmattan / 2012 / durée : 47′ / documentaire
Lien pour voir le documentaire : civadegandillac
« C’était mon ami. Nous nous sommes rencontrés à Paris lors de sa résidence à la Cité des Arts, et nous nous sommes souvent revus par la suite. Un soir, il m’a offert le catalogue de ses peintures illustrant le poème “Le Voyage” de Charles Baudelaire. Je conserve cet ouvrage comme une relique, un peu vétuste et taché de jolies traces de vin rouge sur la première page. Ah, les folles soirées de débats houleux jusqu’à l’aube dans son studio à la Cité, auxquelles participait son amie Nadia, une belle jeune femme tempétueuse ! En octobre 1993, nous nous sommes revus par hasard boulevard Saint Michel, et nous avons passé un bon moment ensemble. Il était heureux de me revoir, et moi aussi. Nous avons échangé longuement. Peu après, il est retourné dans son pays, et nous avons perdu contact. Des amis communs me donnaient parfois de ses nouvelles. Le matin de décembre 2014, lorsque j’ai appris la nouvelle de son décès sur Internet, j’ai été profondément choqué. Je garde le souvenir d’un être d’une sensibilité et d’une intelligence exceptionnelles, doté d’un talent artistique si enviable ! C’était sa force et sa fragilité. Paix à son âme. Il était fier de son ancêtre Mokrani ! » Djilali Kadid