“Le sociologue de l’art Saâdi-Leray Farid invite l’ensemble des agents ou opérateurs culturels et artistes se sentant concernés à signer ce plaidoyer rédigé dans l’optique d’améliorer l’assise intellectuelle et la visibilité de l’ensemble des plasticiens exerçant en Algérie. L’analyste présentera et distribuera le Manifeste pendant le Salon du livre de Paris (17-20 mars 2016) au niveau du “Pavillon Constantine” installé sur 200m2 en partenariat avec l’Institut français d’Alger. Puisque s’y trouveront probablement des officiels à sensibiliser, il est important de parapher au plus vite le texte. La contribution des artistes et opérateurs est importante.”
L’article “Valorisation patrimoniale et historiographie artistique en Algérie : viatiques essentiels à l’éducation des publics et à l’identification du créateur comme avant-corps singulier”, adressé le 08 décembre 2015 au site “Founoune dz”, renseignait sur une flopée d’universitaires qui, exerçant au sein d’équipes de recherche, examinent les problématiques taraudant les champs de l’art du monde arabo-musulman, cela en conformité à des contextes politique, sociologique, économique et culturel propres à chaque pays concerné, y compris ceux de l’Algérie. Dans cette contrée fut envisagé il y a plus de trois années de constituer un “Comité histoire de l’art” capable de dessiner l’itinéraire individuel des plasticiens et de solutionner leurs non-visibilités.
Pour mettre en branle un groupe de travail à même de combler ces manques et à fortiori l’absence d’une véritable historiographie artistique en Algérie, il faudrait d’une part pouvoir peser sur les orientations prises lors du prochain Comité intergouvernemental (France-Algérie) prévu les 09 et 10 avril 2016 à Oran et d’autre part bénéficier d’une partie des financements accordés depuis 2012 par l’Union européenne, une manne servant principalement à la protection et valorisation du patrimoine local. Ces options sont directement affiliées aux développements du tourisme, ce que corroborait parfaitement le voyage algérois effectué du 07 au 09 février 2016 par la Maire de Paris, Anne Hidalgo. Reçue dans le cadre du plan “Alger 2030”, elle se fera trimbaler par le wali de la capitale, Abdelkader Zoukh, de la Casbah jusqu’au Musée des Beaux-Arts d’El Hamma et du square Port-Saïd à l’İnstitut français sans même faire un détour par la rue Ben M’Hidi où le Musée d’art moderne (MAMA) étalait encore une série d’œuvres contemporaines.
Au moment où l’inventaire du fonds de photographies anciennes est lui aussi à l’ordre du jour d’un programme de sauvegarde appuyé par l’Union européenne, la visite folklorique de la franco-espagnole doit interpeller l’ensemble des créateurs car il apparaît de plus en plus évident que, déjà entravée par la réduction des espaces adéquats, leur montée en singularité n’est pas le souci majeur des pôles décisionnels. En faisant l’impasse sur une cercle exploratoire susceptible de tracer des parcours originaux et de mettre en exergue des actes performatifs démontrant la perspicacité de leur auteur, ils participent, volontairement ou pas, à alimenter les diverses inhibitions. Celles-ci sont telles en Algérie, qu’un analyste de ou du terrain rencontre toutes les difficultés pour y concrétiser ses réflexions par le biais d’expositions d’envergures et au sein d’un lieu approprié aux scénographies, donc à la mise en lumières des protagonistes.
L’interrogation de l’heure est donc pourquoi ces continuels freins empêchant une meilleure reconnaissance de ces exécutants par l’étude approfondie de leur parcours et l’exhibition raisonnée des médiums ?
Trois facteurs sont à notre sens à prendre ici en considération. Le premier nous ramène à l’interpellation opérée, via un article, en direction de Naget Belkaïd-Khadda qui plutôt que de collaborer aux ventilations iconographiques, de seconder la quête des investissements indispensables au catalogage mnémonique des acteurs de la cartographie spatio-temporelle, d’inscrire la démarche plastique de son feu-mari dans une perspective généraliste siphonne quand elle peut et où elle peut les rares deniers disponibles chez le providentiel ministère algérien de la Culture ou ailleurs. Si la réimpression des deux essais de Mohamed Khadda Éléments pour un art nouveau et Feuillets épars liés contribueront à une meilleure compréhension du climat “révolutionnaire” des décennies 60 et 70, sa femme garde sousscellés des documents à livrer à des investigateurs en mesure de croiser ou de confronter objectivement leurs sources sans pour autant favoriser un tel ou un tel en raison d’affinités régionalistes et idéologiques ou de visées économico-spéculatives. L’ex-maître de conférences à l’Université Paul Valéry de Montpellier défendant des intérêts égocentriques, nous demanderons à Djamila Kabla d’agir différemment avec M’Hamed İssiakhem et d’avertir le 03 décembre 2015, à l’occasion d’un hommage rendu au peintre-graveur, le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, de façon à ce que celui-ci se penche résolument sur le vide sidéral affectant l’écriture de l’histoire de l’art, vide facile à constater puisque les publications propres à ce domaine ne remplissent même pas un rayon de bibliothèque.
L’alerte-focus déclenchée au lendemain du tragique suicide d’Abdelwahab Mokrani (autre écorché vif disparu le mercredi 03 décembre 2014) tentait elle aussi de mobiliser les bonnes consciences afin de tramer la pérégrination des figures de proue de la modernité puis contemporanéité esthétique, de remédier par là même au cafouillage brouillant les tendances picturales et la notion controversée de génie-créateur, d’attribuer à des enquêteurs Algériens et Européens la prise en charge des carences constatées. Leur confier les clefs de la décantation des entraves inhérentes à l’historiographie artistique en Algérie, c’est écarter les torpilleurs en eaux troubles noyant le poisson dès qu’il s’agit de révéler leurs incompétences.
Nous touchons là à la seconde cause car, installés épisodiquement à la tête de commissariats par le système de la redondance et de l’abondance, ces opportunistes profitent du marasme ambiant pour couper l’herbe sous les pieds des prétendants à l’exhaustivité intellective, se placer comme les initiés incontournables, se glisser à l’intersection de l’institution tutélaire et les structures de la monstration. Se bornant à constater l’absence d’historiens, ils ne veulent pas voir des spécialistes qui, réunis en collectifs Nord-Sud, mettraient de l’ordre dans les conventions, clarifieraient le paysage par de la méthodologie, se substitueraient de la sorte aux interventions d’érudits leur faisant assurément de l’ombre puisque détenant les grilles de lecture, donc les schémas cognitifs permettant de faire bouger les lignes et de bousculer les frontières établies.
Ne pas léguer à de prétendus expérimentés l’explication des enjeux entourant l’écriture de l’histoire de l’art en Algérie est la troisième des mises au point. Récupérée le mardi 26 janvier 2016 par la radio “Alger chaîne 3”, la thématique fut malheureusement très mal exploitée par la chroniqueuse Nariman Sadouni complètement en dehors du sujet pendant l’émission “Forum-Action libre”.
Miné par les initiatives approximatives, contradictoires et pernicieuses de certains individus autoproclamés curseurs de l’exégèse, le champ en question a un besoin pressant du coup de pouce de médiateurs professionnels possédant les éléments tangibles de la reconversion conceptuelle mais qui sont volontairement ou subrepticement écartés, voire niés, dès qu’ils comptent concevoir en Algérie une manifestation atypique, notamment au Musée d’art moderne (MAMA) où, inapte à présenter un calendrier sur le moyen ou long terme (ce qui dénote un déni de prospective et facilite les arrangements de dernières minutes), son directeur a pour impératif de prendre sa retraite : c’est là une des genèses de l’élargissement du panorama artistique et de l’émancipation de ses taxinomies ou axiologies.
Saâdi-Leray Farid. Sociologue de l’art
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