Interview réalisé après l’exposition de Ammar au CCF constantine « Un hymne à la vie et à la tolérance », propos recueillis par Tarik Ouamer-Ali en Mai 2010
Un aperçu sur votre exposition au CCF Constantine « Un hymne à la vie et à la tolérance » ?
Allalouche Ammar : En cette ère de mondialisation décapante et qui rend impérieuse la consolidation des peuples, l’impératif sécuritaire prime. Aucun pays au monde ne pourra prétendre à la pleine souveraineté au raffermissement des réquisits de l’état-nation si la sécurité alimentaire et même la sécurité identitaire ne sont pas assurées ou qu’elles y soient vulnérables. Ainsi des expériences actuelles à travers le monde se multiplient, se croisent et s’enchevêtrent, prouvant s’il en était besoin que toute parole fraternelle, dans un monde de plus en plus, meurtrier et meurtri, est nécessaire pour l’ouverture sur l’autre et son respect d’autant plus que cette mondialisation de plus en plus conquérante est entrain de précipiter des changements. Et ce n’est pas sans raison que j’ai choisi la thématique de mon exposition au CCF placée sous le signe « Un hymne à la vie et à la tolérance ».
Je suis comme ce poète militant qui, en évoquant la mort…c’est pour mieux faire accepter et assumer la vie, dans toute son ampleur, y compris la réalité de l’absurde. Aussi voudrais-je considérer l’art comme un acte de liberté, un affranchissement de l’esprit de ses innombrables interdits, une transgression du conformisme ambiant, une résistance contre la laideur qui menace notre monde en ce début du siècle : nettoyage ethnique, montée des fanatismes de toutes sortes, développement de l’intolérance et la haine de l’autre, banalisation du racisme, victoire de la violence et la volonté de mort. La barbarie dans toutes ses formes qui se modernise. Dés lors, il serait impudique de considérer l’art, la poésie, ces merveilleuses offrandes qui sont le reflet et la parole humaine comme un luxe du langage. Je conçois l’art pour ma part, comme un désir fort de participer à cette magnifique aventure humaine sur la terre. Je tente donc de le charger de transmettre une lueur fraternelle pour m’aider à dissiper l’obscurité régnante. Je tente d’y dire, d’y puiser de toutes mes forces, le monde sensible, mon cœur qui bat, d’explorer les profondeurs intérieures et extérieures de l’homme, de peindre son visage aux mille couleurs. Dans mon pathétique combat, réside mon courage, dans ma douleur, comme ce poète, réside mon humanité, condamné que je suis un Sisyphe, à l’éternel recommencement. Et c’est pourquoi, comme le poète, il ne serait pas heureux, lui semble-t-il, de vouloir limiter la poésie à une affaire de mots, quelle que soit l’importance qu’il accordait au travail sur la langue. Ce n’est pas avec des sentiments qu’il fait la poésie mais avec les mots.
A quelle démarche pouvons-nous comparer votre art ?
Allalouche Ammar : Comme le souligne un passage d’un extrait d’un article paru dans le quotidien tunisien « le temps » du 22 janvier 1997 : « L’auteur hésite peut – être à suivre cet héritage des pères de la non figuration. Plutôt que de continuer dans cette voie, Allalouche se livre à sa propre recherche plastique ».
Je ne suis d’aucune école. J’appartiens à ma propre école. Je suis proche de tous ceux qui militent en faveur d’un art nouveau, car pour moi, l’art nouveau c’est tout d’abord une optique et une vision de la modernité comme étant une tendance vers l’universalité. Mon art depuis plus d’une quarantaine d’années : représente l’objectivation des manières d’enracinement de la figuration. Dans la conscience et la tradition ethnique et (éthique), surtout dans l’art populaire. Je suis toujours prêt à transformer le sujet (objet), considéré au profit de la peinture, en gardant pourtant l’intention d’intégrer à l’œuvre une pensée morale qui, si elle veut devenir active, demande une forme concrète et c’est la raison pour la laquelle je crée une alternance du figuratif et de l’abstrait lorsqu’il s’agirait du figuratif, et de l’abstrait lorsqu’il s’agirait de proposer une lecture à la portée d’un certain public averti. Un schème qui n’est que représentation intermédiaire entre le concept et les données de la perception.
La meilleure manière, c’est de recréer la nature sans la copier…Représenter la figure et le corps humain par des moyens absolument différents de ceux légués par la tradition occidentale et tout aussi valable plastiquement. Après une démarche vouée à l’abstrait, je mets en application des règles d’une éthique qui est recherche de l’essentiel. Et comment atteindre l’essentiel autrement que par le symbole et plus précisément par le signe. Convaincu que l’intégration à son temps en m’aidant des techniques modernes passe par l’effacement personnel, je trouve dans la figure géométrique une nouvelle lecture comme chez Paul Klee. Je cherche à travers l’écran comme dans l’espace du tableau, en épurant progressivement les formes en tenant le réel à distance, à développer l’esprit terré au fond de la matière. Entreprise périlleuse, toute recherche de l’absolu se fait dans la douleur, tel est le prix pour atteindre l’essence. Mais l’abstrait demeure pour moi une délivrance, il me permet de marcher dans les espaces de l’infini, vivre dans le passé, le présent et le futur. Pour moi, quand le figuratif devient abstrait, l’abstrait devient figuratif. Tout en exprimant l’indicible sentiment d’angoisse, de solitude et de culpabilité.
Si j’aborde ce concept c’est pour pouvoir attirer plus nettement l’attention sur la question de PROVENANCE, constamment présente de notre avant-garde abstractive ou souligner certains jugements ou assertions sur l’originalité et l’authenticité insuffisantes d’au moins une partie de l’art abstrait en Algérie et dans tout le Maghreb. « Des deux côtés, amène toujours aux préjugés et la partialité ». Il existe bien sûr la liaison avec les courants stylistiques des mêmes genres dans le monde et par conséquent une certaine correspondance stylistique et spirituelle. Il n’est toutefois pas possible de parler d’une dépendance successive plus sérieuse sauf en moments ou en cas rares.
« Comment se positionner ou se reclasser culturellement dans le nouveau contexte de la mondialisation » quand on sait que la seconde guerre mondiale a marqué une profonde rupture dans la vie artistique en Europe d’abord par les bouleversements qu’elle a provoqués, mais aussi parce qu’elle a entrainé de façon un peu plus prévisible un profond reclassement. Je suis beaucoup plus connu comme abstracteur en dehors de nos frontières. Et si on se réfère à une critique portée sur mon travail on lit l’extrait suivant : « Ammar Allalouche Maghrébin universel » « bien au-delà des recherches formelles tentant la réconciliation de l’abstraction géométrique à l’abstraction gestuelle, il ya dans l’univers de Ammar Allalouche une volonté louable de porter la symbolique maghrébine vers les hautes sphères de l’espace pictural d’occident. Cette recherche inlassable, faite de signes douloureux adoucis de couleurs tendres et apaisantes, annonce la vitalité de la conscience maghrébine » presse-Tunis-2000.
Un commentaire sur votre parcours et vos rencontres dans le milieu artistique ?
Allalouche Ammar : Pour ne citer encore un extrait lorsqu’il s’agit de poser la question sur mon parcours :
« Selon la fatalité inscrite dans le parcours initiatique de tout Maghrébin, Allalouche opère un « retour culturel » après avoir été traversé par divers courants picturaux d’occident… Les références à Kandinsky, Klee, Delaunay, Wols, Bram Van Velde, Tobey et beaucoup d’autres artistes d’Europe montrent l’étendue de sa culture….Néanmoins, après le séjour fructueux auprès des héritiers du Bauhaus, il a répondu à l’appel des origines…
Peu à peu, il a introduit dans ses travaux les signes structurels, emblématiques et basiques de la symbolique maghrébine. La synthèse entre la culture occidentale et la culture maghrébine vient s’ajouter à la volonté d’unir l’abstraction géométrique à l’abstraction gestuelle. Il résulte de ce brassage d’idées, de concepts, d’écritures et de tendances un artiste soucieux de conduire sa maghrébinité vers l’universel. Depuis l’ombre protectrice de nos douars, la lumière de l’homme total était inscrite dans nos tissages et nos tatouages. Nos blessures symboliques portaient déjà la tragédie de l’homme et la volonté générale de charger le signe du mystère d’exister.
Le plaçant à l’origine même du langage, Allalouche modifie le rapport à la toile et oblige le lecteur à un retour sur lui-même. Peinture du geste et du signe, l’œuvre de Allalouche trouve son apaisement et sa consécration dans la célébration de l’identité maghrébine. Les signes traditionnels de la culture maghrébine, projetés dans le champ pictural, semblent être chargés d’une sensibilité métaphysique. La robustesse des figures géométriques, corrigée par la précarité vibratoire et lyrique d’une gestualité en quête de son identité, impose Allalouche comme un regard lucide, un chercheur authentique et un plasticien audacieux, qui a encore des choses à dire » Mustapha CHELBI – Universitaire et critique d’art – Presse de la Tunisie- 2OOO.
Un parcours marqué par plusieurs décennies de travail ininterrompu par des déplacements dans plusieurs pays qui m’ont permis de mesurer mon travail et de comparer avec d’autres artistes de tous les courants et de toutes les tendances. Une mouvance par ci et une pause par là. Je ne voudrais être d’aucun temps ni d’aucun pays. Mais je fais partie de tous le temps et de tous les pays. Le destin a voulu que je rencontre toujours les autres et cette rencontre qui n’est que la découverte « du moi et de l’autre ». Une dimension exponentielle de l’univers qui m’a toujours fasciné au point de m’entrainer à m’unir par des représentations artistiques riches et fécondes à la fois.
Avez-vous des regrets ?
Allalouche Ammar : Les regrets oui, ils sont multiples. Et comme disait Abou Al Ala Al Maâri : « Si je pouvais vivre plus longtemps que tous ceux de ma génération, je ferais certes un apport dépassant de beaucoup de nos éminents prédécesseurs ». Oui, cela explique que les créateurs en viennent à se dresser contre leur temps qui leur pose le déjà-fait comme obstacle à leur expression seule génératrice du progrès. Les regrets sont justifiés car il est évident que les raisons sont justifiées par l’absence de débats véritables et de critiques objectives, il y a comme un laisser-aller et une désertification de la créativité : nous assistons à un désordre dû au manque de typologie et de compartimentation artistique, les artistes s’auto-classifient car il n’y pas de décryptage et de décodage dans le système artistique… Ni de commissions d’évaluation, aucune politique culturelle n’a été abordée jusqu’ici ou plutôt les tentatives étaient très limitées.
Les quelques critiques d’art par faute de moyens ne sont pas parvenus à faire de grandes publications critiques lorsqu’il s’agit de poser le problème du « Livre d’art ». L’échelle des valeurs est remise en cause par des pseudos artistes qui n’ont rien à voir avec l’art. Le beau se banalise et la facilité est devenue est devenue « congénitale ». Le manque de galeries spécialisées. Certains peintres étaient prisonniers des carcans politiques. L’œuvre devenait le lieu d’illustration du discours politique. Il y avait des luttes intestines qui n’avaient rien à voir avec la culture. Il y avait une confusion extraordinaire. Les artistes étaient utilisés pour être à la merci de simples responsables qui n’avaient rien à voir avec le monde de la peinture et des arts. Ce fut le comble.
En dépit de tous ces conflits et cette dramatique situation certains ont sérieusement travaillé en gardant leur autonomie. Ceux-ci vivaient en quelque sorte en marge de toutes ces luttes et ces conflits extraordinaires. Le terrorisme culturel a commencé vers les années 7O et s’est poursuivi jusqu’à la fin 8O. La médiocrité dominait les places fortes. Aucun débat sérieux n’a eu lieu. Pas de recherches ni contacts enrichissants. Les artistes ayant fait leurs études à l’étranger s’étaient mis à reproduire le schéma originel de leur formation sans chercher à promouvoir leurs propres spécificités. Ce mimétisme est appauvrissant. Il y avait la possibilité de créer une véritable Ecole Algérienne en puisant dans nos couleurs, nos lumières et une manière de voir la peinture. On ne peut apporter quelque chose aux autres que si on partait de notre vécu, de notre propre culture. Aujourd’hui la technologie est venue bousculer nos mœurs et provoquer des changements importants. Opter pour quel Art ? Telle est la question qu’on doit se poser ? Commencer par se connaître, faire un bilan critique des expériences. C’est l’affaire de tout le monde.
« Sortir de l’isolement et accepter la diversité enrichissante. Ouvrir un débat sur nos spécificités et les conditions théoriques de la « Modernité ». Car, cette modernité ne peut être ni donnée ni acquise par contamination. Et ne sommes-nous pas en droit de prétendre que le Tassili depuis le Néolithique supérieur qui date de dix mille ans avant J.C demeure notre repère identitaire. Que le bassin méditerranéen nous appartient aussi, non seulement parce nos « Ancêtres » sont nôtres, non seulement pace que ce bassin aura été le symbole de notre inspiration, de nos aspirations, mais parce que l’histoire nous aura profondément marqués Effectivement, il faut qu’un travail théorique soit préalablement fait.
L’absence d’une critique spécialisée pose un sérieux problème. Il faut dépasser le débat qui nous emprisonne. Il est indispensable de prendre en charge nos propres signes tout en restant ouverts aux expériences universelles. Emerger, c’est être compris dans son pays. Si l’artiste est compris, il est forcément reconnu, respecté. Nous devons enrichir le patrimoine universel en exposant nos spécificités. Le marché de l’art, se sont les artistes qui le créent par le travail et le sérieux. La tâche de constituer un marché de l’art en Algérie est notre affaire au premier degré. Il faut qu’on l’élargisse graduellement dans le Maghreb, au Monde arabe et à l’Occident. Un marché de l’art ne se fait pas par combine par essence négatrice des valeurs. Tout cela implique comme je l’ai dit, l’émergence d’artistes novateurs qui partent de leur environnement. Nous possédons des couleurs et des lumières extraordinaires. Les orientalistes, comme Fromentin et Delacroix, y ont puisé leur sève. La lumière influe sur la matière qui investit les éléments constituants de notre peinture.
Le travail théorique est en principe l’apanage des intellectuels, mais l’absence puis le peu de contacts entre les artistes et les intellectuels empêche cette prise en charge. Il n’y a pas d’échange ni de réflexion sérieuse sur les arts. Comment ne pas s’interroger sur la dévalorisation continue du Musée ouverts qu’est le Tassili et ne pas méditer sur gravure rupestres ? Que reste-t-il à faire, sinon ouvrir véritable débat sur notre peinture, écrire une histoire crédible, sans complaisance ni regard réducteur. Normalement le rôle du créateur est de transformer les sociétés pour le bonheur des hommes et les artistes y interviennent pour une grande part. Cela leur confère une responsabilité particulière qui, découle de leur engagement créateur. Ils influencent la sensibilité de leurs contemporains et participent activement à l’évolution sociale et culturelle. Le sous-développement est-il avant tout un état culturel ? Il n’est pas de trop de rappeler que c’est l’intelligence qui détermine le progrès et que c’est le savoir qui change l’être.
Depuis l’indépendance, les pouvoirs publics ont accordé plus d’importance aux investissements matériels qu’à la formation de l’algérien en tant que puissance inventive. Révolu est le temps, où l’art était destiné à la délectation de groupes privilégiés. Il sert de plus en plus de langage à un large public et doit avoir une résonance populaire incontestable. Il doit traduire la mutation profonde qui s’effectue dans le pays. Et pour cela, il est indispensable que toute la considération nécessaire lui soit accordée afin de permettre son plein épanouissement. Mais il est des moments marqués par des événements qu’on ne peut occulter ou passer sous silence sans que l’on s’y attarde pour mieux les méditer, non sans regret eu égard aux conséquences néfastes entre ceux qui s’adonnent à l’exploitation du produit culturel qui sont un moyen d’enrayer les astuces de la spéculation qui sont devenues néfastes pour l’environnement culturel et pour l’économie. Il fut un temps où l’ampleur des vols des objets d’art et des contrefaçons n’a d’égale que la variété des complicités et la diversité des réseaux de prédation et autres que les gens sans foi ni loi ont réussi à mettre en place sur le marché national voire même à l’extérieur du pays. Le fait de témoigner, de relater, de « dire » peut-il influer sur le cours des choses ? Sommes-nous de simples témoins ou des rouages du changement ?
Le regret aussi c’est dire que malgré les mutations sociales actuelles, il n’y pas de prise de conscience individuelle ni collective sur les différences et ressemblances culturelles. Mis à part l’activisme isolé de certaines associations artistiques, les minorités, celles qui sont porteuses de véritables projets de société ne sont ni admises, ni culturellement valorisées. Et les tenants des transgressions ont du mal à affirmer socialement leur singularité. “Le fait de témoigner, de relater, de « dire » peut-il influer sur le cours des choses ? Sommes-nous de simples témoins ou des rouages du changement ?…”.
Et De Votre Période tunisienne ?
Allalouche Ammar : Si ce pays qui est la Tunisie qui est passé par différentes périodes historiques, les courants-artistiques ont donné lieu à une interaction d’une culture maghrébine. Nombreux sont-ils des artistes du Maghreb ont confirmé le mieux par leurs œuvres. Les grandes dimensions de l’art de la figuration que l’abstraction du général, leur actualité et leur fraicheur en recourant à des formes abstraites qui constituent en quelque sorte des voies supérieures de réflexion et d’imagination. Cela étant dit on ne nie nullement les apports essentiels dans la peinture occidentale à cette forme (voyage de Paul Klee en Tunisie en 1914, ou il a été subjugué par les motifs de l’artisanat et les formes architectoniques.
L’analogie dans l’art en Tunisie est aussi frappante, c’est dans le même processus qu’a évolué l’art à travers ces pays. La Tunisie a connu le même chemin qu’en Algérie – Une similitude frappante – il faut accentuer avant tout malgré les difficultés généralement connues de la programmation et de l’abstraction, malgré tous les phénomènes nombreux « Entre cousins » ou morphologiques à plusieurs noms, quelques personnages très important de l’art contemporain maghrébin que nous pourrions appeler à bon droit à l’abord anthologique et synthétique sont dignes d’être membres du monde universel de l’art et représentant les phénomènes historiques dont le continuité historique dépasse le caractère d’une vision réductrice imposée par l’occident.
La ressemblance avec quelque chose que nous reconnaissons dans notre conscience ne doit pas être l’essence de la solution de la reconnaissance. Les différences sont intéressantes, bien sûr si elles existent. Dans les œuvres des abstracteurs maghrébins, les différences sont plus nombreuses que les ressemblances menaçantes ou même les analogies embarrassantes avec les phénomènes du même genre dans le monde. Ces différences sont heureusement plus importantes pour leur œuvre, étant habituellement le problème de la SUBSTANCE et non l’analogie stylistique, ni de « Préjugés de programme stylistique» inévitables. La Tunisie m’a ouvert des voies très intéressantes et m’a permis aussi d’explorer des continents à l’extérieur tout en étant un ambassadeur de l’Algérie.
Allalouche est devenu un enfant adoptif de la Tunisie qui lui a permis de s’épanouir sous des cieux plus cléments. Pour ne parler que de consécrations, des distinctions et de la considération héritées par Allalouche dans ce pays frère. « L’une des valeurs sûres de l’art plastique algérien aura, paradoxalement, conquis les plus hautes cimes de la consécration internationale, pour espérer, au crépuscule d’une carrière époustouflante qui ne cesse de renaître de ses cendres, une simple reconnaissance des siens. Comme quoi nul n’est prophète dans son pays,. Mais qu’à cela ne tienne, Ammar Allalouche n’avait finalement pas besoin d’une carte de visite ni de ses hautes références, pour susciter l’admiration et convaincre d’une admirable maîtrise de son art. Et pour cause, il aura suffi qu’on lui organise des expositions ailleurs, pour que cet artiste qui n’a plus de secrets pour les habitués des galeries d’arts étrangères s’efface humblement, pour laisser l’ouvre plaider une cause sans autres arguments que l’expression du beau ». Sources : Le Quotidien d’Oran 2OO6.
C’est à partir de la Tunisie qu’une idée qui m’est chère est née à savoir la tenue d’une rétrospective en Algérie. Plusieurs tentatives pour la programmation de cette rétrospective à travers les musées nationaux, le temps à passé si vite avant que nous le voyions et il s’est métamorphosé avant que nous soyons au courant. C’est-à-dire que la crise qui a secoué l’Algérie et le syndrome auquel l’Algérie était confrontée durant la décennie noire ne nous a pas permis de programmer régulièrement des expos et des rétrospectives. Je possède toutes les correspondances que j’ai envoyées, preuves à l’appui, ce n’était pas un refus ou quoi que ce soit, mais beaucoup plus de la carence des deux côtés. J’ai encore sollicité le musée national des beaux arts d’Alger après mon exposition au musée de Cirta en 2007 « intitulée plus belle l’Algérie de Novembre » Mais en vain.
La sculpture et la toile sont omniprésentes dans vos créations ?
Allalouche Ammar : La présence de la sculpture et de la toile dans mes créations si elles sont omniprésentes ? Il est tout a fait normal et ce que je n’arrive pas peut-être à m’exprimer dans mes toiles je fais recours à la sculpture et c’est la réciprocité. La terre glaise que pétrissait ma mère m’a fasciné tout en étant enfant, ainsi que le métier à tisser que ma mère aussi, avec des doigts de fée faisait vibrer les fils constituant la trame spirituelle et comme une magicienne elle transformait le métier à tisser par des couleurs qui sont restées gravées dans ma mémoire. Les artisanes de ce petit village d’El Milia ont réussi à imprégner en moi le gout du beau et de l’utilité et depuis ce legs est resté immuable. Je me livre effectivement depuis les 😯 à une recherche passionnée dans des travaux de sculpture sur bronze et autres matériaux dans une conception moderne du langage plastique avec pour préoccupation majeure : montrer la réalité contemporaine, tragique et à la limite inhumaine. Ma peinture et ma sculpture, sont une quête permanente, une interrogation sur le devenir de l’homme.
Pourquoi la région du constantinois (Algérie) souffre t’elle de structures d’accueil pour l’art contemporain, notamment ?
Allalouche Ammar : Si la région de Constantine souffre d’un manque d’infrastructures culturelles et d’accueil pour l’art contemporain, les installations etc… C’est regrettable. Les espaces EXISTANTS sont insuffisants et sont limités et ne répondent pas aux exigences de l’art contemporain qui nécessite des espaces spécifiques à l’instar d’autres pays qui exploitent ce genre de manifestations. Car comment doit-en penser aujourd’hui, dans le télescopage innovateur des techniques, le rapport de l’œuvre d’art au temps et à l’espace ? Comment évaluer le travail plastique face à la multiplicité des modes de réception : visuel, auditif, tactile, voire olfactif ? Sur le télescopage époustouflant des images et leur massification dans une époque fortement marquée par les mutations sociales qui a totalement révolutionné notre perception de l’art et de l’esthétique. Le beau se banalise et l’art dépassant ou transgressant ses propres règles devient dans la pluralité et l’interaction des expériences, un art à l’état gazeux comme disait Yves Michaux.
Soulever le problème de structures d’accueil c’est soulever le problème de l’environnement et de son espace dans le cas où il existe chez nous. Est-ce que le terme d’art « environnemental » est suffisant pour provoquer la volonté des artistes pour instaurer une nouvelle relation entre œuvres et le public pour susciter en lui l’intérêt pour le concept d’environnement dans l’art. Comment peut-ont l’interpréter comme un nouveau développement du désir de provoquer la participation des spectateurs à la création. Oui, ces structures d’accueil sont plus que nécessaires car aujourd’hui des courants ne cessent de naître, confrontés par des rapides progrès des techniques industrielles qui son à l’origine des réalisations modernes et à partir desquelles il fallait découvrir une expression contemporaine. Ces réalisations ne se limitaient pas à l’innovation technique ; elles faisaient prendre une conscience de la relation entre l’œuvre et l’image qu’elle projette, ce qui devrait entraîner l’interpénétration des médias visuels et de l’art et tout cette charge revient aux jeunes créateurs ( à créer, a former) aujourd’hui qui sont appelés à poursuivre un « inventaire du mystère » d’atteindre à une libération méthodique, que grâce à la création d’un art nouveau expressif révélant un univers intérieur plus hospitalier et plus humain.
Votre impressionnante biographie n’explique pas votre absence « remarquée» de la scène algéroise, pourquoi ?
Allalouche Ammar : Il est vrai que depuis les années 80, je n’ai pas exposé à Alger, depuis El Mouggar avec une exposition personnelle sous le patronage du Ministère de la culture, et encore une exposition collective au musée national du Hamma, depuis, l’expo universelle de Séville, et une expo collective initiée par l’UNAC en 2002 au palais de la culture. Mais cela n’empêche que nous étions les musées des beaux arts et moi-même sur le point de programmer une expo rétrospective avec les œuvres se trouvant éparpillées à travers le monde. Peut-être est-ce le manque de contacts et de communication qui ont fait cruellement défaut mais aussi à cause du coût de l’exposition qui nécessitait à l’époque une prise en charge délicate sur le plan de l’organisation que sur le plan financier. Ca me rappelle une anecdote de feu mon ami Khadda, lorsqu’il m’a écrit pour me parler d’une expo en France : Issiakhem, Baya, Khadda, en me disant en ces termes « L’expo algéroise plutôt algérienne est passée inaperçue et la seule chose que j’ai pu faire c’est de m’approvisionner en papier de gravure et d’aquarelle » Ceci donne à réfléchir.
Des vœux ?
Allalouche Ammar : Mes vœux les plus ardents et les plus sincères c’est que l’Algérie retrouve sa sérénité et sa santé en récupérant ses forces vives et que les artistes, les vrais artistes soient reconnus et honorés de leur vivant ; de rendre justice aux disparus et que le statut de l’artiste soit concrétisé. « Ne craignons pas de naître et de renaître, mais surtout il faut craindre notre ignorance »
Propos recueillis Par Mr OUAMER ALI Tarik (Mai 2010)
Site de l’artiste : https://allalouche.jimdo.com/