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Statut de l’Artiste : Ana Fenane أنا فنان

Les décrets présidentiels sont utiles lorsqu’il faut agir rapidement. Celui éditant le statut de l’artiste compte parmi les décrets présidentiels, suggérant que le président peut agir comme un législateur à part entière dans l’urgence. Cependant, le statut de l’artiste ne semble pas être une véritable urgence. Par exemple, pour la relance des arts visuels, la véritable urgence serait de légiférer sur l’obligation annuelle d’achat des entreprises publiques, la fiscalité, la circulation et l’identification des œuvres. Ces mesures pourraient stimuler le secteur, favorisant la création de galeries et suscitant un intérêt accru de la société pour l’art.

Le décret du statut de l’artiste officialise la définition de “qui est qui” en pratique depuis des décennies, mais il est dépourvu des responsabilités de l’État et de sa tutelle. Il précise, cependant, que “L’exercice de l’activité artistique, librement, dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur”, sans définir les limites du respect. L’expression “les dispositions prévues par la législation et la réglementation en vigueur” revient en boucle tout au long du document statutaire, excluant les mentions pourtant nécessaires sur les droits d’auteur et les droits moraux. De plus, il ne fait aucune mention des régimes de sécurité sociale et des systèmes de retraite. Cela peut s’expliquer par le fait que la majorité des artistes sont des salariés. Il est évident que ceux qui ont travaillé sur le texte sont probablement des fonctionnaires artistes salariés.

Par contre, la mention “priorité d’emploi”, évoquée par l’article 30 et concernant les prestations artistiques en faveur des détenteurs de la carte “à raison de soixante-dix pour cent (70%) de l’ensemble des artistes participants aux travaux et activités artistiques” est vague et non précise. Elle ne mentionne pas non plus les secteurs d’activités, alors que dans l’article 31 de la même section, on se limite aux établissements artistiques bénéficiaires de la subvention publique qui devraient s’engager à employer le détenteur de la carte d’artiste à raison de quatre-vingt pour cent (80%), au moins.

En vérité, tous les établissements détenteurs de subventions publiques devraient être mentionnés dans le statut afin de généraliser la prestation artistique. Les articles 30 et 31 excluent la mention aux établissements publics, entreprises, wilayas, daïras, communes, à faire de même que les établissements artistiques, en s’engageant vis-à-vis des prestataires détenteurs de la carte d’artistes. L’art n’est pas seulement une affaire liée au secteur de la culture, mais elle devrait concerner l’ensemble des secteurs économiques de l’État. Pour rappel, les gros budgets et subventions de l’État ne sont pas dans le secteur de la culture.

Salariés contre non salariés ?

Concernant la distinction entre les artistes salariés et non salariés, il existe deux types de détenteurs de la carte d’artiste : les artistes salariés jouissant d’un poste d’emploi (enseignant, fonctionnaire, employé, etc.) et les artistes non salariés. En pratique, les artistes salariés travaillant dans le secteur de la culture, notamment au ministère de la culture et ses dépendances, ont souvent la priorité par rapport aux artistes non salariés et salariés travaillant en dehors du secteur de la culture. Certains artistes détenteurs de cartes travaillant dans le secteur de la culture bénéficient d’avantages spécifiques, excluant de nombreux artistes non salariés ou salariés ne travaillant pas auprès de la tutelle.

Il est important de noter que la majorité des prestations, commandes de l’État, expositions, déplacements pour des semaines culturelles ou événements culturels nationaux ou internationaux, sont généralement attribuées aux détenteurs de la carte d’artiste travaillant proche du secteur concerné, souvent celui de la culture. Ces artistes sont souvent en amont des appels d’offres et sont les premiers informés des faits et gestes des offres, parfois en agissant comme des gendarmes dans la sélection et les choix. De plus, la centralisation des événements culturels fait que les détenteurs de la carte d’artiste vivant ou proche des décideurs de la capitale administrative sont les premiers informés.

La mention des “coopératives artistiques” citée dans le statut et “définies par voie réglementaire” dans la section 4, article 27, est une nouveauté. Il n’y a pas d’informations supplémentaires fournies ici sur les détails spécifiques de la réglementation liée aux coopératives artistiques.

En ce qui concerne la mention du “spécial n’importe quoi“, elle revient à l’article 29 de la section 5 du chapitre 3 : “Le détenteur de la carte d’artiste n’ayant pas suivi une formation spécialisée dans le domaine artistique bénéficie de sessions d’apprentissage et de formation continue au niveau des établissements de formation spécialisés agréés par l’État, et ce, en vue de développer et d’encadrer son talent.” Cette mention semble ouvrir la voie à l’obtention de la carte d’artiste sans qualification requise. Cela soulève une question importante : quels sont les critères établis par le CNAL (Conseil National des Arts et des Lettres) pour délivrer la carte d’artiste ? Autrement, comment peut-on obtenir une carte d’artiste si l’on n’est pas au minimum spécialisé dans un domaine reconnu ? 

Tarik Ouamer-Ali

 

 

 

Lire : Statut_de_artiste_2023