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Maquette Musée d'Art Moderne d'Oran

ART EN CONTEXTES ET “CONTEST” par Saâdi-Leray Farid.

Depuis une décennie, le ministère de la Culture polarise plus intensivement ses prestations sur  le patrimoine (notamment ses ramifications archéologiques et historiques) et les équipements  ou infrastructures dédiés aux arts. L’accomplissement de ces paramètres et dispositifs a été  confié à l’Agence nationale de gestion des réalisations des grands projets de la culture  (ARPC) qui après avoir transformé les anciennes Galeries algériennes d’Alger centre en  Musée d’art moderne (MAMA), s’appliquera à faire émerger dès décembre 2007 une  ingénierie porteuse de plus-values identitaires, son programme d’actions s’étendant  dorénavant à l’ensemble du pays de manière à gratifier, à l’horizon 2025, « Chaque Daira  d’un théâtre, chaque Wilaya d’un musée régional et chaque grande ville d’une grande salle  de spectacle ». Avec l’Opéra d’Alger, la Bibliothèque Arabo Sud Américaine (BASA), le Grand Musée de l’Afrique (GMA), le Centre arabe d’archéologie (CAA), l’İnstitut régional  de formation musicale (İRFM) et l’İnstitut supérieur des métiers et des arts du spectacle  (İSMAS), Alger est la principale récipiendaire d’un maillage territorial touchant aussi les  villes de Constantine et d’Oran où sera édifié un Musée d’art moderne (respectivement au  sein de l’ancien Monoprix et des ex-Galeries algériennes). 

La révision du décret exécutif (n° 07-392) du 12 décembre 2007 par celui du 18 mars 2013 (n°13-113) modifiera le statut juridique ou objet social d’un organisme soldant des missions  marchandes à la demande « (…) de toute partie publique ou privée », puisque comme  l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), il est devenu un établissement  public à caractère industriel et commercial (ÉPİC) doté de la personnalité morale et de  l’autonomie financière. À ce titre, ce “maître d’ouvrage délégué” mène donc (au nom de  l’État) des opérations pour son propre compte (et celui du ministère de la Culture), peut ainsi « 

(…) créer des filiales, prendre des participations dans toute entreprise et contracter tout  partenariat », lancer des appels d’offres, proposer les sondages préalables des projets,  concevoir pour ceux-ci des contrats, marchés, expertises et montages financiers, élaborer les  cahiers des charges, intervenir en matière de conseils, de négociations, suivis, évaluations et  conceptions, coordonner toutes ces interventions à l’avantage des détenteurs de biens  matériels et immatériels ou institutions concernées, assurer à leurs souhaits (comme à celui du  principale maître d’œuvre), et dans un cadre contractuel, des prospections et relations avec  l’ensemble des associés à l’élévation de tel ou tel édifice et à ses éventuelles modifications.  Bien que les changements inhérents aux anciennes galeries commerciales de la rue Larbi Ben  M’hidi d’Oran feront du Musée d’art moderne (MAMO) de cette capitale de l’Ouest un des  pôles majeurs de la contemporanéité, aucune enquête préalable n’a été menée auprès des  plasticiens, notamment des adeptes du happening et de l’installation.  

Hors, affiliées à l’extension du statut de l’artiste, leurs approches performatives conditionnent  le mode organisationnel d’une structure habilitée à recevoir une avant-garde de l’expression  du sensible. L’aménagement intérieur risquant donc de ne pas être adapté à certains de leurs  desideratas, nous avons tout naturellement posé la problématique au directeur général  Abdelhamid Seray afin de savoir si le bureau d’étude Hallal Tabet avait interrogé en amont  des créateurs avant de décider de telle ou telle répartition spatiale (aucune réponse à ce jour).  L’image de synthèse plaquée sur le site de sa société en guise de catalogue introductif (elle  exhibe des socles, sculptures et en arrière plan des toiles de Baya) démontre à elle seule le  confinement mental dans lequel restent enfermés des promoteurs assistant le graphique  architectural des maisons de la Culture, bibliothèques, musées, établissements de formations 

artistiques ou encore les bunkers utiles à l’archivage des films. Domiciliée à la Villa Brossette  (19 avenue Souidani Boudjemaa, el Mouradia, Alger), l’Agence nationale de gestion des  réalisations des grands projets de la culture (ARPC) déteint par conséquent un véritable  monopole et apparaît à ce titre comme l’interlocuteur inéluctable des visites d’inspection.  Celle qu’elle effectuera le 19 septembre 2015 en compagnie du ministre de la Culture, du wali  d’Alger et du responsable de l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels  protégés (OGEBC) renseignera sur la prochaine réception (prévue pour la fin de l’année en  cours) de l’Opéra d’Alger (offert à la suite du déplacement présidentiel de 2004 en Chine, il se trouve à Ouled Fayet) ainsi que sur le proche bâtiment à pourvoir d’un vaste restaurant et  de cinq salles (quatre de cinéma et une de spectacles). La délégation ira également du côté de  la Citadelle (ou Palais du Dey), un lieu à convertir en zone touristique et en “complexe  historique” (il abritera à l’horizon 2020 un musée, des mosquées, une bibliothèque, une  boutique artisanale et une résidence d’État) alors qu’il fut d’abord question de le réserver aux  expositions d’art contemporain, comme l’avait entrepris dès 2002 madame Leyla Oussalah (la  responsable de la galerie “Top action”) après la réfection des écuries. Mais, écartée muni  militari à cause des visées d’un concurrent direct (beaucoup devinaient alors l’immixtion  interlope de Mustapha Orif), elle abandonnera à regrets un environnement contribuant à  l’élargissement du champ artistique, comme était censé du reste le faire les “Abattoirs  d’Alger”, eux-mêmes malicieusement soustraits aux vœux pieux de postulants, cette fois sous  couvert du tour de passe-passe de Nadia Cherabi-Labidi qui promettait d’offrir en échange des  boutiques situées au niveau des voûtes de la place des Martyrs. La mesure compensatoire  provenait d’Abdelkader Zoukh (le préfet d’Alger) qui se gardera bien de la rappeler à  Azzedine Mihoubi lorsque tous deux arpentaient le 18 septembre 2015 les hauteurs de la  veille ville, plus précisément le quartier Sidi Ramdane où la “Fondation Casbah” inaugurera  une bibliothèque baptisée “Salle de lecture petit Omar” (du nom du chahid Omar Yacef) et  sponsorisée par “Djezzy”. 

Se disant attentif à la sauvegarde et mise en valeur du secteur sauvegardé, le premier locataire  du Palais Moufdi-Zakaria regrettera le manque d’entrepreneurs spécialisés dans la restitution  patrimoniale et indiquera que le soutien des « (…) entreprises étrangères dans ce domaine est  incontournable », comme semble le devenir une commercialisation de la culture selon lui  indissociable de « Constantes nationales plantées comme remparts pour défendre l’unité de la  religion musulmane et de l’identité ». Attesté le mardi 16 juin, ce parallèle répercute l’écho  d’un Programme de Tripoli mettant en jonction “progressisme socialisant” et clôture de  l’affirmation de “Soi”, avec toutes les contradictions et stagnations que cette désastreuse  concomitance entraînera. La création artistique en subit encore aujourd’hui les conséquences,  tant la notion de transgression du déjà là (esthétique et idéologique) n’est pas à l’ordre du jour  d’El “wazir” (le ministre) qui avec sa communication “Les mutations culturelles en Algérie” confirmait le 02 juillet 2015 à l’hôtel Africa de Tunis que l’art a pour barrières ontologiques  les “thawabit el wataniya” ou “ettawabite el watania” (constantes nationales) et la jahilyya (ou  jahiliyyah), ce pré-monde défini par Mohamed Arkoun. Contrairement aux injonctions  anticapitalistes des décennies 60 et 70, son extension s’inscrit aujourd’hui au sein d’une  “feuille de route opérationnelle” dictée en sous-mains par quelques lobbies disposés à investir  dans le cinéma. Se faisant le porteur d’eau de ces moulins à vent prêts à moudre le moindre  grain de blé (donc de profits), Mihoubi annonçait dès le 14 juin (jour où il traitera des  problématiques propres au théâtre, patrimoine et droits d’auteurs, à l’absence de visibilité de  certains festivals ou encore à l’identification de jeunes talents souffrant de marginalisation)  que les salles jusque-là administrées par les Assemblées populaires communales (APC)  reviendraient bientôt dans le giron de son ministère et à travers lui de privés capables de  thésauriser les futurs multiplexes ainsi que des longs métrages qui participent à la relation 

dialectique art-histoire. Présenté le mercredi 17 juin 2015 au Musée national du Moudjahid  d’Alger (Maqqam Ech’Chahid-Sanctuaire des Martyrs) et devant un public composé d’anciens  combattants, le Barberousse (Serkadji) de Mohamed Sahraoui met en exergue le quotidien de  prisonniers tandis que le Larbi Ben M’hidi de Bachir Derrais s’attèle à embellir l’image d’un  Héros-pur via le “renouveau dans l’authenticité révolutionnaire”. Alimentant ce paradigme, le  film Opération Maillot d’Okacha Touita s’affublera également du label “devoir de mémoire” en raison de son caractère biographique, d’un scénario retraçant le parcours d’un militant de la  guerre d’indépendance. Ses principaux visages (Ben Boulaïd, Larbi Ben M’hidi, Krim  Blekacem ou Lotfi) ne sont pas les seuls à être les têtes d’affiches de Biopics puisque de plus  en plus de documentaires se consacrent à des chouhada moins célèbres, sortent de l’anonymat  des inconnus souvent réduits à une simple épitaphe. L’universitaire Djamila Fernane et le  réalisateur Moussa Tertag feront ainsi revivre la figure de Fernane Hanafi (1920-1955).  Montré le mardi 14 juillet à la cinémathèque, le moyen métrage de 52 minutes retrace la  jeunesse de ce combattant parti rejoindre les rangs du PPA/MTLD puis de l’Organisation  spéciale (OS) pour finalement se mettre au service d’Ouamrane et de Krim Belkacem, un  périple qui mériterait, aux yeux de ses proches, une stèle sur une des places de Larbaâ Nath  İrathen.  

Depuis sa nomination, le commis de l’État Azzedine Mihoubi peaufine sa carrière politique  en octroyant des bons points aux exécutants d’un 7e art générateur de faciles gratifications  (honneurs et argent compris) et suit pas à pas le “Plan cinéma” rédigé, filtré et balisé par des  intermédiaires persuadés de drainer de rapides dividendes dès que les donateurs (étrangers et  algériens) entendront et parachèveront leurs desseins. L’intérimaire du Palais Moufdi-Zakaria  mettra la trame ou “articulation iconographique” sur les rails (le vendredi 26 juin 2015, jour  de l’hommage consacré à la Bibliothèque nationale d’El-Hamma au réalisateur Amar Laskri)  et la fera valider par le groupe de réflexion installé au début du mois de juillet 2015. Constitué de bureaucrates et de spécialistes, il prospectera les lois du secteur, se penchera sur les textes  traitant de la formation (preneurs de son, éclaireurs, scénaristes, etc…), recensera les espaces  à prélever (deux par wilaya), se rapprochera de la commission responsable du Fonds de  développement de l’art, de la technique et de l’industrie cinématographiques (FDATİC) et  écoutera des professionnels reçus le 02 juillet à Dar Abdellatif. L’ex-Maison des  pensionnaires-artistes est désormais le siège de cet autre bailleur de fonds qu’est l’AARC,  acronyme d’une Antenne Accaparée par les Recettes du Cinéma et qui par nombre d’aspects  ressemble à une boîte de communication vouée à satisfaire une politique d’animation alors  que nous pensions au départ qu’elle concentrerait davantage ses prérogatives sur l’éthique de  singularité. Apparemment non concernée par une rationalisation des dépenses obligeant à  restreindre le nombre des 170 festivals annuels, cette société de spectacles aux buts lucratifs  n’a malheureusement pas remédié au cafouillage d’un ministère de la Culture miné par les  pesanteurs claniques et dépensant sans compter des deniers publics octroyés à des pseudo commissaires cooptés selon le régime du copinage. 

Après l’intéressement particulier de Nadia Cherabi-Labidi, des réalisateurs sans imagination  trouveront donc un appui de choix et de poids en la personne d’Azzedine Mihoubi puisqu’à  ses yeux « D’énormes efforts doivent être consentis pour faire revivre le cinéma algérien » et  lui redonner sa place d’antan, signalera-t-il de nouveau dans le quotidien Reporters du 19  juillet. Sa volonté se confirmera avec l’opération “Ciné-ville” explicitée le 16 juillet à Bouira  et dont le réel coup d’envoi aura lieu quatre jours plus tard à Djelfa. Elle se poursuivra à  Blida, Sour El Ghozlane, Alger et d’autres villes du pays, toutes enclines à dérouler en plein  air le découpage de synopsis. Quant à la récupération des “salles sombres”, 76 d’entre elles  seront mises en réseau pour, via le ministère de tutelle, tomber (avec 20 cinémathèques) dans 

l’escarcelle de souteneurs, le point d’orgue de la manœuvre permettant d’harmoniser l’achèvement d’une cité du 7e art. Au sein des 96 espaces à réhabiliter ou réaménager, 30%  des productions étayeront, conformément à la loi en vigueur, le “cachet algérien”, un distinctif  attribué aux films La nuit a peur du soleil (Mustapha Badie, 1965) et Tahya ya Didou (Mohamed Zinet, 1971). Leurs bobines devant être stockées au sein d’un bunker  indispensable à la bonne conservation des archives, elles bénéficieront aussi d’une restauration (prévue dans le cadre du partenariat ministère de la Culture-Union européenne). İl  s’agit là aussi de sauver la mémoire du patrimoine cinématographique pour lequel l’ex-député du Rassemblement national démocratique (RND) manifestera à maintes reprises ses préoccupations tout en annonçant (le 17 août à Tlemcen) la numérisation d’anciens  manuscrits et la préservation de 4.200 d’entre eux. Profitant d’une virée à Beni-Snous, il  s’entretiendra avec d’Ahmed Rachedi de l’avancée de Les 7 remparts de la citadelle,  honorera (dans la nuit du dimanche 20 et lundi 21 août) de sa présence la clôture de Ciné plage, interviendra le 30 août lors d’un colloque centré sur l’encouragement à l’industrie  cinématographique, confirmera une croissante bienveillance envers son potentiel de  rentabilité et par là même des leveurs de capitaux incités à parrainer la fameuse cité du  cinéma et autres salles multiplex, à s’occuper d’un circuit de distribution censé nourrir la  diversité des styles. 

Toujours dans l’optique de sensibiliser la société sur les polysémies du patrimoine culturel  matériel et immatériel, Azzedine Mihoubi plébiscitait le 23 août à Bordj Bou Arreridj les  caravanes itinérantes qui en accédant à des régions enclavées « (…) œuvrent à réconcilier le  public avec le 7e art », ponctuait-il dans le quotidien Horizons du 28 août. 2015. Celles  plébiscitées par la Centre national de la cinématographie et de l’audiovisuel (CNCA)  atteindront au début du mois d’août les Hauts-plateaux alors que la capitale des Biban (Bordj  Bou Arreridj) marquait l’ultime étape d’une transhumance aboutissant à la vision (le mercredi  23 août au Palais de la culture Mohamed-Boudiaf) du Lotfi d’Ahmed Rachedi. Persuadant  ensuite son auditoire (celui de la salle Ahmed-Bey de Constantine) que la culture est une « (…) arme contre toute forme d’extrémisme (…), combat la violence et favorise la citoyenneté  positive », l’ex-directeur de la Bibliothèque nationale invoquera de nouveau le jeudi 03  septembre des perspectives favorables à la redynamisation du cinéma algérien, réitérera son  souhait de voir les hommes d’affaires s’impliquer dans son financement. Appuyant encore sur  ce point le samedi 05 septembre (en marge de l’ouverture de la 13ème rencontre  cinématographique de Bejaia), il ajoutera que les industriels et mécènes avaient aussi à  supporter les évènements culturels dont les critères dévaluation reposeront maintenant sur le  professionnalisme et leur réel impact sur les publics.  

İls seront en cela suppléés par l’Agence algérienne pour le rayonnement Culturel (AARC)  appelée quant à elle à épauler la réussite de la prochaine édition du Festival international d’Oran du Film Arabe (FİOFA), à s’occuper de ses préparatifs, de la mise en place de la  logistique, du séjour, hébergement et transport des participants. Productrice de films,  l’entreprise en possède une centaine (documentaires et d’animation, courts et longs métrages)  et se focalise tellement sur des tournages supposés (comme Juventus de Timgad, Nelson  Mandela et Larbi Ben M’hidi) rentables qu’elle a fait du département “Beaux-Arts” (à  identifier ici en relation avec les performances de peintres, sculpteurs, installateurs,  photographes ou vidéastes) le parent pauvre de la corrélation public-privé et d’une action  d’envergure faisant de la culture un « (…) appui à l’économie nationale » (Azzedine Mihoubi  dans le périodique Reporters du 31 août 2015). L’art n’aurait ainsi plus à générer du plaisir,  du choc visuel, de la réflexion mais de l’argent, du flouse, fric ou pèze sonnant et trébuchant  alors que les débats primordiaux à la clarification de ses enjeux ne sont toujours pas assumés 

par des encartés comme Zoubir Hellal dont les impératifs au sein du Conseil national des Arts  et des Lettres (CNAL) ont été clairement délimités par le remplaçant de Nadia Cherabi Labidi. Celui-ci clamait dès le 07 juin 2015 sa “détermination” à escorter les jeunes talents,  annonçait (lors de son passage au forum de la Radio nationale émis à partir de Constantine),  une « (…) ressource économique active et non plus seulement un secteur qui se contente de  consommer », conviait professionnels de l’art ou porteurs d’idées, entrepreneurs, distributeurs  agréés, représentants du Conseil national économique et social (CNES) à « (…) renverser la  tendance consistant à promouvoir un assistanat généralisé.», assurait une semaine plus tard  du soutien de l’administration aux associations ou coopératives qui « (…) ne peuvent pas  activer sans le soutien de l’État », réclamait (après sa visite au Conservatoire de musique, à  l’École des Beaux-Arts, à la Maison de la culture “Ould Abderrahmane-Kaki” et au théâtre  régional “Djillali-Benabdelhalim”) en retour du sérieux et de la nouveauté, donc de  l’originalité, aux peintres, sculpteurs, comédiens et dramaturges. Seulement, en enterrant les  “Assises de la culture”, il fragilisera des prolégomènes cognitifs qui ne ressortent absolument  pas d’un “Plan cinéma” générateur de capitaux symboliques et financiers. Ce chantre du  pseudo “libéralisme culturel” jettera en réalité le bébé avec l’eau du bain pour que les sous marins naviguant dans les tréfonds de la gabegie puissent encore lancer les torpilles d’un  enfumage empêchant de « (…) revoir le planning, (de) prospecter les opportunités  d’investissement, (de) diminuer les dépenses et changer les habitudes qui ont été prises durant  ce qui a été vu comme une période d’abondance financière ». 

Réclamée par l’Exécutif, la rigueur budgétaire a pour but de résorber les abus constatés dans  l’organisation des manifestations budgétivores ou les demandes de subventions théâtrales et  cinématographiques, de mettre fin aux comportements irrationnels parasitant les initiatives  porteuses d’émulations ou transformations, siphonnant les rallonges spéciales d’argent public  débloquées aux seuls avantages de la clientèle privilégiée du “tout-État providence”. Les  nouvelles mesures d’austérité touchent maintenant les critères d’attribution d’allocations  concédées à des éditeurs ne possédant « Ni siège, ni catalogue » et qui s’incrustent au sein de l’industrie du livre afin de détourner des subsides attribués par le Fonds national pour la  promotion et le développement des Arts et des Lettres (FNPDAL). İntervenant le 20  septembre 2015 sur les ondes de la Chaîne I, le ministre-relais détaillera pendant l’émission  “Forum de la Radio” (le thème était “La rationalisation des dépenses dans le secteur de la  culture”) un cahier des charges synonyme de répartition équitable et déontologique, ainsi  qu’une prochaine « (…) réforme du système culturel algérien ». İmpulsée par des  participations privées admises à partir d’un avant-projet de loi (observé durant une session de  l’Assemblée populaire nationale), elle introduira la notion convoitée d’ “industrie culturelle”, confortera donc les dispositions et environnements voulus par des producteurs indépendants  agissant en relations étroites avec l’actuel directeur de l’Agence algérienne pour le  rayonnement culturel (AARC). 

Venu également de l’Établissement public de télévision algérienne (ÉPTV ou ÉPTA,  actuellement le Centre méditerranéen de la communication audiovisuelle, érigé depuis 1991  en Établissement public à caractère industriel et Commercial), ce dernier aura tendance à faire  de ses anciens collègues cathodiques les nouveaux gestionnaires des “salles noires” que le  ministère de la Culture léguera après la Conférence nationale sur l’investissement dans le  domaine de la culture envisagée avant la fin de l’année 2015. Sollicités, ces partenaires répondraient le mieux à la rationalisation des coûts ou dépenses, laquelle réduction ne serait  pas à confondre avec la “mesure d’austérité” entraînant la suppression ou fusion de quelques festivals puisqu’elle aurait pour objectif de donner « (…) un cadre idéal et propice à la  création artistique et une impulsion nouvelle à la production cinématographique nationale. ».

Occupé il y a encore quelques mois à entériner des procédures protocolaires et des contacts  avec les pays insufflant Constantine capitale 2015 de la culture (ville où sur les 58 salles de  cinémas disponibles, une seule a été ouverte), Azzedine Mihoubi obéit à un schéma prescrit à  partir d’El Mouradia, d’une loge présidentielle à appréhender comme antichambre ou annexe  de l’officine de l’ombre où les ordonnateurs réfléchissent aussi et surtout en termes de  retombées emblématiques, comme l’a prouvé la polémique ouverte après que le cinéaste Lyès  Salem ait exprimé son envie de se déplacer au Festival méditerranéen d’Ashdod, une localité  israélienne de Palestine.  

Dès le 27 mai 2015, le directeur de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel  (AARC) désapprouvait la programmation d’El Wahrani (L’Oranais) qui allait selon lui à  l’encontre de la position politique de l’Algérie et nuisait de plus à l’image de « Notre culture  nationale.». Aussi, Nazih Ben Ramdane réclamera in fine son retrait et pressera le metteur en  scène franco-algérien d’annuler une collaboration motivée parce que « L’association qui  organise le festival est complètement à gauche et que le président Moshe İvgny est un acteur  israélien qui s’est illustré dans la lutte contre le mouvement sioniste ». Les pressions furent 

elles que sur sa page “Facebook”, puis dans une lettre publiée le 31 mai dans le quotidien El  Watan, l’incriminé fera son mea culpa en admettant ne pas avoir « (…) assez pris la mesure  d’un appel au boycott culturel », s’être trompé en croyant naïvement « (…) que l’art et la  culture peuvent encore faire bouger les lignes politiques au Proche-Orient ». İl rentrera  d’autant plus vite dans le rang que son promoteur Yacine Laloui se désolidarisait de sa  position première, de cette faute de jugement susceptible de remettre en question « (…) ses  futures productions avec son pays d’origine », pays qui rejette toujours la moindre relation diplomatique avec l’État hébreu. Pour éviter tout autre décalage intellectif, Azzedine Mihoubi 

évoquera un droit de réserve, c’est-à-dire une clause accordant à un film la possibilité de se  produire à condition que la contribution ne porte pas « (…) préjudice aux intérêts du pays en  s’avérant incompatible avec ses valeurs, ses positions et sa politique extérieure »

Le revirement obligé de Lyès Salem taraudait en filigrane le degré de l’abdication artistique,  reflétait la faible marge d’une élite sans aplomb dans un jeu d’équilibriste la soumettant « (…) au mouvement plébéien, (au) suivisme et (…) exclusion de l’autre. », mentionnera le  sociologue et universitaire Aissa Kadri au sein du journal El watan du 19 mai 2015. Poussée à  asseoir son antisionisme en vertu de la juste cause, celle d’une lutte palestinienne infectée des  postulats jusqu’au-boutistes du Hamas, de subir les oukases des gardiens du Temple, elle  n’ose plus régler les interférences négatives, modérer le climat de haine, s’immiscer dans les  controverses véhiculées par des instances religieuses ou médias de masse montées au créneau  pour se liguer contre l’athéisme de Rachid Boudjedra. Contrarié, il sera lui aussi contrait de 

justifier puis d’atténuer ses propos tenus lors de l’émission Mahkama produite le 03 juin 2015  par “El Chourouk” TV. Visée à la suite de celle-ci par les injonctions de l’Association des  oulémas incitant à ne pas l’enterrer dans un cimetière musulman, l’écrivain avancera deux  jours plus tard qu’en le questionnant sur sa “non” croyance, la présentatrice Madiha Allalou  l’avait agressé et que sa réponse était à saisir en tant que pure provocation et non pas comme  réelle conviction puisque, tiendra-t-il à préciser, « Je suis un fils de zaouïa et un lecteur du  Coran. J’ai grandi dans une famille qui respectait la religion islamique. Je respecte l’islam  non seulement comme une religion, mais comme une civilisation aussi. Je suis parmi les rares  écrivains arabes à avoir utilisé la civilisation arabo-musulmane, ses textes et ses sciences  dans mes romans (…). Je me sens musulman soufi. ». Deux semaines avant le début du  ramadhan, l’ex conseiller du ministère de la Culture se trouvait de nouveau au cœur d’une  polémique. Pour la calmer, il concédera ne reconnaître « (…) aucun rapport avec l’athéisme.  (…) », ne jamais avoir dit être agnostique et qu’affirmer le contraire « (…) relève du 

mensonge et de l’invention », d’un montage et d’une vulgaire manipulation. Pourtant, le  quotidien L’expression du 07 juin 2015 confirmera que le romancier avait bien argué : « Oui  je suis athée et après ? ». L’après, ce sera le renoncement d’un homme qui prétendra avoir  répondu « (…) sur le ton de la plaisanterie » pour se dépêtrer résolument du concept de  “laïco-assimilationniste”, de ce glissement sémantique entraînant nombre de journalistes,  intellectuels et artistes dans l’inclusif psychopathe des fous de Dieu. C’est ce que Djoghlal  Djemâa remémorera avec l’article “L’écrivain Rachid Boudjedra et la confession publique”,  une contribution épistolaire via laquelle elle se demandait « (…) comment accepter qu’un  penseur algérien (…) soit soumis à une confession publique devant des millions d’intégristes  n’attendant que l’occasion pour l’assassiner, ce qu’ils n’ont pu accomplir lors de leur guerre  contre le peuple algérien. ». Volant au secours de celui qui « (…) fut et reste l’un des derniers  éclaireurs de ce monde en recolonisation occidentale », l’universitaire persuadait les acteurs  du champ culturel que leur silence équivalait « (…) à hurler avec la meute meurtrière ». Lors  de la rencontre-débat du 08 juin à la Bibliothèque nationale d’El Hamma, l’ex-professeur de  littérature Waciny Laredj les incitera à faire entendre leurs voix et opinions afin de faire  barrage aux nouvelles formes de contrôle. 

Appuyant son argumentation sur les procès d’intention dont furent les victimes expiatoires le  journaliste-romancier Kamel Daoud et le cinéaste Lyes Salem, le désormais écrivain  soutiendra qu’à la place de Rachid Boudjedra, il n’aurait pas répondu à l’interrogation sur sa  foi parce qu’elle s’apparentait à celles posées lors d’un tribunal d’inquisition et à ce titre « 

(…) renvoie à la censure globale que pourrait imposer la société. ». C’est justement parce  que son œuvre littéraire a su démêler « (…) les contradictions (la) régissant (…), a appris à  des milliers d’Algériennes et d’Algériens à devenir acteur de leur histoire et de l’histoire  nationale. » que Djoghlal Djemâa réagira aussi de façon introspective de manière à raisonner  sur ce type de retournement : « Comment le peuple de l’action révolutionnaire et des pensées  progressistes a-t-il pu accoucher du peuple des panses insatiables ? (…), s’est-il retrouvé  soumis au sectarisme wahhabite depuis quarante ans ? (…), ce sectarisme qui a voilé notre  mémoire nationale (…), a appauvri notre langage et nos arts, (…) a défiguré nos villes et nos  villages et (…) nous soumet, du plus anonyme au plus célèbre, à la confession publique (…)  sans que cela ne fasse réagir les intellectuels nationaux ou étrangers.». Pour expliquer  l’abdication générale, l’auteur de Journal d’une femme insomniaque finira lui-même par  consentir que « Notre société n’est pas encore prête à accepter certaines choses ». 

Les considérations proprement intellectuelles, conviviales ou esthétiques des créateurs  resteront toujours en retrait face aux dictats d’une ligne politico-démagogique à approuver  pour, en contre partie, continuer à recevoir reconnaissances et gains, pour que l’identité de  l’Homme de culture se ressente et s’éprouve comme la composition permanente de celle du  peuple algérien. C’est d’ailleurs à la même correspondance qu’obéissait l’établissement “Arts  et culture de la wilaya d’Alger” en décernant (au “Centre culturel Mustapha-Kateb”) une  somme d’argent ainsi qu’un certificat de mérite aux bénéficiaires du prix “Aïcha-Haddad pour  les arts plastiques”. La récompense renvoyait aux postures militantes d’une moudjahida et non  pas aux décantations visuelles et conceptuelles à mêmes de chambouler les habitus et carcans  culturels, de provoquer des failles prospectives dans les vieux poncifs, d’asseoir des  perspectives affranchissant les énergies d’auteurs conditionnés par un environnement hostile  au changement et étouffant une liberté d’expression que le jeune franco-algérien Bilal Berreni défendra en Tunisie.  

Né dans le XXe arrondissement de Paris, il badigeonnait déjà à l’âge de 15 ans les palissades  de son quartier (notamment de la rue des Pyrénées) d’œuvres en noir et blanc. De grandes 

tailles, ses centaines d’images réalistes ou fantastiques représenteront d’abord des têtes  d’oiseaux qui influenceront le pseudonyme “Zoo Project”, lequel est « (…) parti des pigeons  (…) que tout le monde rejette. Un peu comme pour moi qui peignais sur les murs. On me  disait : Va peindre ailleurs ! », soulignera le street-artiste. 

 


Viendront ensuite les têtes d’animaux (chien, bélier ou taureau) tout autant peintes sur des  corps d’hommes (la plupart du temps nus), un bestiaire parfois supplée de messages teintés  d’une portée sociale, comme par exemple celui indiquant :
“On apprend plus dans une nuit  blanche que dans une année de sommeil”

 

 

Le diplômé de Duperré (BTS communication graphisme) et de l’École Boule (Bac arts  appliqués) tournera parfois du côté de celle des Beaux-Arts et séjournera dans le squat “La  Gare aux gorilles”. Revêtu d’un blouson kaki, il couvrira la nuit quelques palissades d’œuvres  urbaines nourries du travail d’Ernest Pignon-Ernest car se référant comme lui au contexte  socio-politique. Symbolique et parfois de propagande, son art s’étalait aussi dans des cabines  téléphoniques jusqu’à ce que l’appel de l’air le fasse donc s’envoler à 21 ans en direction de  Tunis. Le Titi-parigo y débarquait en mars 2011 avec moins de 500 euros en poche et se  faisait voler l’ordinateur sur lequel se trouvaient les dessins à reproduire. Déprimé, il  déambulera pendant une semaine, s’arrêtera parfois pour esquisser un croquis jusqu’à ce  qu’un passant du quartier d’El Hafsia exhibe le portrait de son frère et lui demande de bien  vouloir le reproduire, ressuscite Mohammed Hanchi, mort le 25 février 2011 de deux balles  perdues à l’âge de 19 ans alors qu’il sortait de chez lui dans le but d’encourager son équipe de 

football préférée. Exécutant la requête, “Zoo Project” tenait le fil conducteur d’une  thématique le transformant en témoin privilégié de la répression policière. Le devenu émetteur  des maux ressuscitera en somme des victimes oubliées auxquelles il redonnait vie en les  fixant grandeur nature sur des panneaux de carton.  

 

La presse locale s’emparera de son histoire et après la demi-page du quotidien Le Monde, le  périodique Libération consacrait quatre volets à un passeur de parole pour lequel illustrer la réalité de l’événement s’apparentait un geste citoyen en prise directe avec la Révolution. Bien  qu’avouant ne pas être « (…) dans le culte des héros, » et préféré se délester du «(…) truc  mortifère», il prendra à bras le corps son rôle civique car « (…) ces martyrs n’étaient pas des  têtes brûlées, mais des victimes innocentes (qui) demandent réparation. ».

Aussi, considérant que ses silhouettes offraient une sorte de voix d’outre-tombe aux opprimés,  qu’elles accompagnaient le renversement du régime de Ben Ali et feraient « (…) partie de  l’avenir de cette Tunisie qui se dessine sous nos yeux. », il en concevra quarante d’un seul  tenant et les exposera le long des artères El Jazira, El Hafsia et Habib Bourguiba ou encore du  côté de la Place Bab Souika, de Bab Souika, de la Porte de France, devant le Théâtre  Municipal et dans la Médina. 

 

Décédés au nom de la liberté d’expression, les menuisiers, professeurs, vendeurs ambulants et  chômeurs de Tunis, Kasserine ou de Sidi Bouzid se transformaient en indices-icônes que le  syndicat patronal voulait voir se propager sur d’autres surfaces. İl lui proposera pour cela  30.000 euros, une somme qu’il refusera en rejoignant le camp de Choucha, celui de réfugiés  parqués à 08 kilomètres du poste-frontière tuniso-lybien de Ras Jdir. 

 

 

İl y séjournera nuit et jour pendant un mois, supportera les tempêtes de sable, fera la queue pour obtenir son plat du jour ou verre d’eau salée. C’est à la suite d’une virée dans la ville  voisine de Ben Gardane que le baroudeur achètera de la peinture, des pinceaux puis un grand  rouleau de coton blanc et apprendra à peindre à des africains échappés de la guerre civile. 10.000 à 20.000 Sénégalais, Libériens, Tchadiens et Somaliens s’entassaient à même le désert  et parmi eux beaucoup s’identifieront à des œuvres flottantes qui symboliseront aussi un  second appel du large. Après un bref détour par Paris, “Zoo Project” partait en septembre  2012 à New-York, faisait (dans l’Ohio) un court séjour en prison puis reprenait la route  jusqu’à Détroit (Michigan).  

C’est en revenant une seconde fois dans sa ville de naissance (Paris) qu’il apprenait que le  synopsis déposé au Centre national du cinéma (CNC) avait obtenu les 40.000 euros espérés.  Aussi, l’aventurier parcourra la Russie (avec le vidéaste Antoine Page) avant de retourner en  mars 2013 à Détroit, dernier seuil d’un voyage fulgurant dans le monde de l’art contemporain  puisque, atteint quatre mois plus tard d’une balle tirée en pleine tête, il succomba sur le pallier  d’un immeuble désaffecté et restera plus d’un semestre à la morgue avant d’être reconnu (en  mars 2014). Celui qui dépeindra la Révolution arabe et la banqueroute américaine faillit  disparaître dans l’anonymat le plus absolu alors que l’essence même de son travail consistait à  épancher, à la vue de tous, des séquences mémorielles.

CONCLUSION-PLAIDOYER 

Pour débattre de la crise économique et de ses prolongements négatifs, les membres du  gouvernement s’entretenaient le dimanche 20 septembre 2015 avec les experts du Conseil  national économique et social (CNES) qui, bien que réunis en table ronde, dresseront sans  détour un constat alarmant sur la situation et à fortiori les échecs des mandats bouteflikiens.  İndépendants, ils dévoileront les errements et approximations jusque là masqués par un prix  du baril largement au dessus des 100 dollars et éclaireront le théâtre burlesque d’un Roi nu. İnterpellés en dernier recours au chevet d’un corps malade, ces érudits examineront sans  flonflons ni trompettes un bilan maquillé avec les ingrédients du populisme, disculpé par la  capitulation servile d’auxiliaires et l’absence de diagnostics de dysfonctionnement. Tiré de la  rencontre, leur document récapitulatif proposera des recommandations pragmatiques  nécessaires à une thérapie à inculquer afin de concrétiser les nouveaux paradigmes impliquant  d’autres formes de bancarisation, la diminution gastrique des importations, l’allocation  optimale des ressources, cela de manière à ne pas bloquer le processus de développement  d’une Algérie « (…) en position favorable pour traverser la conjoncture économique actuelle », assurait le 21 septembre à Varsovie (lors du Forum économique algéro-polonais) le  ministre de l’İndustrie et des Mines. Encourager un puissant réseau national de sous-traitance,  échafauder des conjonctions entre le monde productif, l’université et la recherche, surveiller  les balances macro-financières, augmenter la fiscalisation, revoir le Code d’investissement,  lever les entraves bureaucratiques qui freinent l’acte d’entreprendre et l’accès au foncier  industriel, telles sont les panacées et exigences préconisées pour galvaniser la compétition et  réformer une “terre barbaresque” transformée en comptoirs trabendistes. Persuadé que le pays  traversera la tempête sans dégâts, Abdessalem Bouchouareb dirige en vérité à l’aveuglette la  barre d’un bateau ivre sans moteurs de croissance depuis que tous les conducteurs de la  modernité (politique, économique et artistique) aient été régulés sur la “stabilité  réglementaire”. Le président du Forum des chefs d’entreprises (FCE) Ali Haddad la  reprogramme depuis la mi-septembre 2015 afin que les patrons puissent prospérer dans un  environnement dépourvu de perturbations intempestives et « (…) servir les intérêts militaro industriels », lesquels se diversifieront probablement dans la “Formule 1” lorsque la  Fédération algérienne des sports mécaniques (FASM) et celle internationale de l’automobile  (FİA) recevront l’aval autorisant la construction (estimée à 30 milliards de dinars) d’un circuit  à Tipasa. La direction des Domaines de cette wilaya aurait adjugé (pour une durée de 33 ans) au courtier Karim Kayouche 350 hectares situés entre les communes de Nador, Hadjout et  Sidi Amar, donc non loin d’un littoral offrant le paysage idéal des “Assises de la rentabilité et  du tourisme”, deux mots clefs affectés au ministère de la Culture. 

En service commandé, le téléguidé Azzedine Mihoubi les applique mécaniquement, ignorant  de la sorte encore une fois les données sociologiques et anthropologiques internes à un champ  artistique que l’entremise curatoriale de Zineb Sedira et Yasmina Reggad, les fondatrices d’Artist residency in Algiers (ARİA), n’a malheureusement pas pu suffisamment émanciper pour que des plasticiens locaux (ici les peintres, sculpteurs, vidéastes, photographes,  performeurs et installateurs) soient remarqués par des commissaires étrangers en mesure de  les convoquer au sein des grandes biennales internationales. S’ils demeurent toujours absents  de celles-ci, c’est sans nul doute que l’enseignement dispensé à l’École nationale supérieure  des Beaux-Arts d’Alger est inadapté au traçage et façonnage des futurs itinéraires singuliers.  Ajustée sur le fonctionnel et le “Beau”, des réquisits revendiqués par le département design  comme l’apanage de l’esthétique, la pédagogie reste déconnectée des communications  perceptives de l’art contemporain et l’institution perchée sur le sommet du Parc Ziryab n’a apparemment pas la vocation de scinder les branches la configurant en nid porteur des  prochains avant-corps de l’expression subversive du sensible. 

La résolution soumet à notre avis le départ des designers, lesquels doivent, comme les  architectes transférés en 1970 à l’ÉPAU (École polytechnique d’architecture et d’urbanisme),  s’intégrer au sein d’une École supérieure des arts décoratifs, voire d’une académie du design  reprenant les codes de la Cité fondée à Saint-Etienne. Plutôt que d’apostropher des plasticiens algéro-européens pour les assimiler à une énième Algérie au cœur (une des dernières  manifestations de l’AARC), il serait préférable de leur orchestrer une résidence étalée sur 30,  60 ou 90 jours. Pendant ces durées, les candidats à l’alternative et à l’alternance exposeraient  en itinérance au sein des trois musées d’art moderne et instruiraient parallèlement à l’École  supérieure des Beaux-arts d’Alger (suite au dépôt d’un projet murement délibéré puis  accepté), là où les ateliers abriteront aussi des historiens, sociologues, anthropologues ou  philosophes à même de compenser, par leurs démarches prospectives, le vide sidéral constaté  en matière d’historiographie artistique et d’analyses critiques. İls occuperont des lieux laissés  vacants par les architectes d’intérieur et designers en tous genres mais aussi par le  département métier d’art (céramique, décoration sur bois, enluminure et miniature) qui a à  déménager à la Citadelle (ou Palais du Dey), ce biotope étant bientôt remanié en zone  touristique et/ou “complexe historique”. Disposant alors de meilleures attentions et intentions,  les chercheurs concourront à établir une nomenclature et autres argumentaires, des adjuvants  sans lesquels les commissaires priseurs seront dans l’incapacité de classer les œuvres. Disputées par des amoureux de l’art et/ou des spéculateurs fréquentant les futures salles des  ventes, leurs valeurs et enchères intéresseront probablement les affidés du boursicotage. 

Saâdi-Leray Farid.
Sociologue de l’art.
Perpignan, le 27 septembre 2015.

 

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