Le manifeste des Essebaghine souligne “l’importance de la subversion, de la provocation, du refus d’obéir à la commande…”, mais de nos jours, l’actualité contredit ces principes même.
En approfondissant la lecture, nous découvrons que le manifeste prône “prendre distance par rapport à l’art qui plaît”, une déclaration d’intentions forte et engagée qui défend la liberté de création artistique et l’autonomie des plasticiens au début du millénaire (2000). Le groupe des Essebaghine exprime dans le manifeste leur désir de voir l’art relié à l’émotion et à l’expérience humaine, tout en souhaitant une pensée en perpétuelle évolution, en connexion avec les mouvements et les émotions du corps et de l’esprit. Le texte, bien que décousu au départ, aboutit à la quintessence du manifeste : “Pour nous, ce groupe de plasticiens signifie la communauté idéale”.
Même Aouchem n’a pas osé s’aventurer dans les profondeurs de l’inconscient. Cependant, il est évident que le manifeste d’Aouchem affiche une meilleure structure, étant bien charpenté, pensé et établi. La lecture du manifeste des Essebaghine peut sembler quelque peu déroutante et manquer de clarté dans la construction de l’argumentation. Certaines phrases et idées auraient pu bénéficier d’une meilleure organisation pour renforcer leur impact. Par ailleurs, la critique faite à d’autres mouvements artistiques et à la société est relativement généralisée et manque de nuances.
Certes, les deux manifestes expriment des préoccupations similaires en termes de recherche d’identité culturelle et d’émancipation artistique en Algérie. Le manifeste “Aouchem” s’appuie davantage sur les racines traditionnelles et la culture populaire algérienne, tandis que le manifeste “Essebaghine” se positionne comme un groupe d’artistes subversifs cherchant à se démarquer des attentes et des normes établies de l’art contemporain. Les deux manifestes témoignent de l’évolution de l’art en Algérie, de ses préoccupations et de sa recherche d’autonomie et d’expression personnelle.
Quant à ce qui s’est passé depuis 2000, après les premières années d’agitation et l’événement “2003, Algérie année de l’Algérie en France” qui a consacré la formulation idéaliste du groupe, certains diront “Champagne !” Le groupe s’est dissipé naturellement, revenant à ses racines. Aujourd’hui, les principaux membres n’ont jamais cessé d’occuper les devants de l’actualité, des médias et des événements culturels. Leur agitation s’est élevée à un niveau inégalé, assurant une présence permanente dans les couloirs du ministère de la culture algérien.
Ouamer-Ali Tarik