Devant quelques protagonistes des arts plastiques et visuels réunis le 14 juillet 2014 à la Bibliothèque nationale d’El Hamma, Nadia Cherabi-Labidi leur assurait que le vaste site les “Abattoirs d’Alger”, tant convoité depuis qu’une pétition de septembre 2013 désignait leur fermeture comme une “Aubaine pour l’art”, est un terrain “(…) si vaste qu’il peut y avoir de la place pour tout le monde”.
Hors, la désormais première locataire du Palais Moufdi-Zakaria savait déjà que ce centre d’abattages, autrefois géré par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, ne bénéficiait plus d’une mesure conservatoire puisque qu’ayant elle-même signé le 06 juillet 2014 un arrêté abrogeant les dispositions de celui du 06 mars 2013 «(…) portant ouverture d’instance de classement des “Abattoirs d’Alger”.» (Arti. 01). Usant du principe de rétention, l’ex-professeur à la Faculté des sciences de l’information et de la communication (Université Alger III), ne transmettra pas à son auditoire du moment la mauvaise nouvelle, pas plus d’ailleurs que son Chef de cabinet par intérim, Noureddine Atmani, pour lequel l’extrême application (dite légitime) stipulait que les bâtiments, reluqués de toutes parts, demeurent sous une injonction de démolition adoptée en 2011 en Conseil de gouvernement. Servant d’assiette au futur siège du Sénat et de l’Assemblée populaire nationale (APN), ou vraisemblablement d’un pôle administratif, son étendue de 24.000 m², qui conviendrait pourtant parfaitement à la construction d’une École supérieure des Arts décoratifs, de l’aménagement de show-rooms ou à l’organisation d’une réelle biennale d’art contemporain capable de corriger les cafouillages de celles de 1987 et 1989, ne devrait plus échapper aux diktats fonciers d’entrepreneurs aux aguets, sauf, et c’est là une circonstance atténuante encore accordée à Nadia Cherabi-Labidi, si celle-ci revoit en ultime recours le dossier mal ficelé de Khalida Toumi. Elle prendrait de la sorte le taureau par les cornes, comme elle l’aura fait en poussant à terre le redouté Mustapha Orif, tellement craint que lorsque nous menions nos enquêtes de terrain en mai 2010 à Alger, des questionnés demanderont, après la relecture de leur interview, à ce que son patronyme (pourtant volontairement cité par eux) disparaisse de l’épreuve finale.
Début août 2014, une productrice et réalisatrice de films aura donc actionné le clapet de fin en donnant un coup de banderille à la longue séquence du directeur générale de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC). Fondé le 20 novembre 2005, cet établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, deviendra en 2008 une entreprise publique à caractère industriel et commercial (EPİC), mais restera malgré tout sous la tutelle d’une ministre de la Culture qui (selon l’Article 02 relatif au décret présidentiel donnant naissance à l’AARC) en nomme le secrétaire général. Depuis le 07 août 2014, c’est, en cette qualité, l’assistant Salah Brahim qui a pris le relais provisoire d’un Mustapha Orif adepte de la réplique que le metteur en scène français Maurice Pialat lança à l’adresse du public qui le sifflait lors de la remise de sa Palme d’or à Cannes en 1987: «Si vous ne m’aimez pas, je peux dire que je ne vous aime pas non plus !». Esseulé car détesté, et dorénavant touché dans son amour propre, le dinosaure Mustapha Orif va probablement essayer de se relever en appelant à la rescousse des éléphants du sérail militaire. Il se défendra en leur soulignant que dans ce feuilleton (aux éventuels rebondissements), sa toréador(e) est à la fois juge et partie, souveraine et intéressée puisque promotrice de la société de production “Procom international” où elle exercera ses talents de monteuse d’images. Nadia Cherabi-Labidi aura à ce titre usé d’un redoutable fondu-enchaîné aux goûts amers, voire sulfureux, tant il laisse supposer un deal avec les “Vrais décideurs” (hypothèse à ce jour pas encore élucidée), un pacte consistant à larguer les “Abattoirs d’Alger” en échange de la tête de Mustapha Orif. Sur la sellette et dans le viseur depuis belles lurettes pour, selon des “sources biens informées”, avoir détourné une partie de l’argent devant servir à la réussite du Biopic consacré à l’Émir Abdelkader, il serait lui aussi la victime expiatoire d’un énième règlement de compte et à l’évidence d’une bataille d’influence dont l’enjeu risque, en l’absence de redressement salvateur, de congédier également les exigences ou ambitions de ceux désirant mettre l’accent sur la montée en singularité des artistes. En misant sur la rareté et l’originalité, l’ex-agent économique aura malgré tout (point positif à quand même afficher au tableau de son mérite), voulu investir et réfléchir une éthique contraire à celle de communauté, c’est-à-dire aux lourdeurs de longs métrages célébrant au nom du “Peuple-Héros” des pseudo-personnages interprétant souvent un fou-errant traumatisé par la Guerre de libération. Les projections sans consistance des décennies 60-70 conféraient ainsi un rôle de seconde zone à la notion d’individu, laquelle se liquéfiait alors dans le brouillage d’une fiction sirupeuse. De là sans doute la volonté de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et de l’İnstitut français d’Alger (İFA) de confier depuis le 27 juillet 2014 la rédaction des scénarios à “Méditalents”, un atelier d’écriture qui, installé au Maroc, accommode des séances sur la dissertation de synopsis, les apprête sur une période s’étalant de 12 à 14 mois. À partir de celui de novembre, se déroulera à Dar Abdellatif (siège annexe de l’AARC) une première session d’écriture en résidence d’une durée de 07 jours. Les lauréats seront, après avis favorables, autorisés à poursuivre le cursus initiatique afin d’optimiser des acquis professionnels, comme le font depuis février 2010 ceux envoyés au sein de l’École d’arts et de culture (EAC) domiciliée au 33 rue de la Boétie à Paris. Formés aux codes du management et de la médiation patrimoniale, ces cadres de l’ingénierie culturelle sont censés servir les imaginaires de créateurs en balisant par exemple leur parcours perceptif au sein d’une monstration. Celle intitulée Transhumance (ou Nouzouh) livrait le 24 mai 2014 une série de photographies en noir et blanc à la vue d’une trentaine d’afficionados venus à la galerie “İsma” (ou “Esma”) de l’Office Riadh-el-Feth (OREF) juger du travail de Youcef Nedjimi ou apprécier l’apprentissage de Souad Douibi et d’Amel Kadji, respectivement désignées scénographe et commissaire. Apparentée à celle de curateur, et bien que pratiquée de façon contingente, la fonction de commissaire requiert de la discipline et un investissement de longue durée. Dans un pays privé de cet indispensable corpus cognitif qu’est l’histoire de l’art, le ministère de la Culture soutenait (en connivence avec l’AARC, le MAMA et l’ONDA) une aberration laissant croire que d’un coup d’un seul, un stagiaire pouvait maîtriser tous les paramètres d’un métier exigeant. Le constant dévouement auquel il oblige, contraint à s’entretenir en permanence avec des installateurs et vidéastes d’horizons divers, à consolider des passerelles au sein même des mondes de l’art, à se maintenir à la page de ce qui se trame à tel où tel endroit stratégique du globe. İl faut assurément voyager, ne serait-ce que pour trimballer ses bagages bibliographiques et épistolaires, mémoriser des catalogues et répertoires, inventorier des nomenclatures et évaluer les Regards Reconstruits qu’exhibait en avril 2014 une autre manifestation de photographie. D’abord annoncée au Musée national public d’art moderne et contemporain d’Alger (MAMA), elle sera en définitive, et sous la houlette de Mustapha Orif, transférée à la galerie “İsma” (ou “Esma”) que régente son épouse. Nous dénoncerons d’emblée une collusion d’intérêts incompatible avec la déontologie, le ferons à maintes reprise car il apparaissait à nos yeux inconcevable qu’une pièce centrale de l’échiquier artistique garde la main mise ou droit de préemption sur tout ce qui concerne et touche à la création en Algérie. C’est là, le principal reproche que nous formulons ici à l’encontre d’un homme qui, en tant que gérant de l’espace “İssiakhem”, accepta au début de l’année 1991, et avec un contrat à l’appui, le texte rédigé à la faveur de l’exposition Pile ou face ? de Larbi Arezki, un essai remisé aux oubliettes en raison de désaccords entre le peintre et son marchand de l’époque. Le côté distant et bougon de Mustapha Orif renvoie à un interlocuteur peu loquasse refusant la plupart du temps de partager des points de vue divergents sur l’art moderne et contemporain car persuadé d’avoir été en 1985-86 le précurseur de leur développement en Algérie. Les prémices de celui-ci se seront en réalité, et après une longue parenthèse négative (allant du Festival panafricain de 1969 à la levée des frontières géoculturelles de l’après boumédiénisme), remis en marche en 1982 au niveau du Centre culturel de la wilaya d’Alger avec des événements collectifs et d’autres personnels, entre autres celui du plasticien Malek Salah devenu, bien avant Rachid Koraïchi, le protégé d’Orif. Le voilà par conséquent maintenant orphelin d’un factotum que le milieu de l’art soupçonnera d’être à l’origine de la promulgation du décret de mai 2006 fixant les modalités d’exercice du commerce des biens culturels mobiliers non protégés et imposant aux non diplômés un examen d’entrée afin que les nouveaux candidats soient pleinement acceptés dans le circuit des tractations spéculatives.
L’ordonnance, qui édifiait des barrières d’ordre juridique, légitimait le capital de Mustapha Orif, éliminait, ou du moins dérangeait, plusieurs de ses rivaux directs, en l’occurrence Leyla Oussalah ennemie désignée malgré elle pour ne pas faire partie intégrante ou intégrable de la famille des élus et avoir osé piétiner les plates-bandes d’un territoire pris de haut avec la “Citadelle”. Une fois réhabilité, cet ancien bastion défensif accueillera ses formules attractives confrontant performeurs algériens et étrangers, une interlocution ressentie comme un affront suivi de scellés définitifs sur ses médiums et de l’inauguration en décembre 2007 (lors d’Alger, capitale de la culture arabe) du Musée national public d’art moderne et contemporain d’Alger (MAMA). Mohammed Djehiche, son actuel conservateur, pourrait bientôt suivre le chemin de l’exclusion au cas où des contradicteurs zélés se ligueraient contre lui à l’approche des “Assises de la culture” prévues en septembre-octobre 2014. D’ici là, des rumeurs persistantes parlant du remaniement de l’équipe du Premier ministre Abdelmalek Sellal, Nadia Cherabi-Labidi fourbit sa posture de docteure en Arts du spectacle pour irradier le champ culturel de poudres aux yeux subliminales, l’ensemencer de croyances et de promesses, comme celle de répondre aux courriers ou mails.
À ce jour, celui l’instruisant, dès le 23 juillet 2014, du projet d’exposition Drapeau ostentatoire, que nous aimerions voir être concrétisé le 1er novembre prochain sur les cimaises du Musée national public d’art moderne et contemporain d’Alger (MAMA), est resté lettre morte. Enclenchée en guise de test, la tentative s’est avérée par conséquent inopérante malgré les assurances d’une femme se targuant de faciliter le dialogue. Quant aux incitations à dissoudre l’Agence algérienne de rayonnement culturel (AARC), ceux qui les répercutent n’ont sans doute pas conscience que ce pivot tentaculaire fait l’objet d’une sorte d’OPA (Offre publique d’achat) franchisée sous couvert de préemptions interlopes. C’était sans doute là l’une des perspectives entrevues par Mustapha Orif ou même pourquoi pas du côté de sa rivale de l’heure Nadia Cherabi. Toujours est-il que nous invitons la ministre à s’expliquer sur ses désistements et préséances avant des “États-généraux de la culture” qui risquent bien de déchaîner les ressacs de la frustration et du ressentiment.
Saadi-Leray Farid.
Le sociologue de l’art.
Secrétaire du Groupe autonome de réflexions sur l’art et la culture en Algérie (GARACA).