Dans son nouveau roman, l’écrivain, peintre et sculpteur marocain raconte pourquoi son père, qui était le fou du Roi Hassan II, a dû renier son fils. L’histoire d’une tragédie shakespearienne.
“Mon père a été bouffon de Hassan II pendant 35 ans et mon frère a participé au coup d’Etat de Skhirat en 1971 où il y a eu des militaires qui sont entrés au Palais et qui ont fait un carnage” raconte Mahi Binebine. Son père a d’ailleurs assisté au drame. “Dans ce livre je raconte l’histoire tragique de cette famille qui a éclaté à cause de ce drame”, ajoute l’auteur.
Le père renie son fils
“Il a été embastillé dans un mouroir qui s’appelle Tazmamart où on a mis des gens sous terre pendant 18 ans dans le noir, explique Mahi Binebine. On a voulu les tuer à petits feux.” Dans un bâtiment abritant 29 détenus, quatre seulement ont survécu. “Lorsqu’il est sorti de Tazmamart, la première chose qu’il trouve à me dire, j’étais là pour l’accueillir. Il me dit : ‘Tu m’emmènes voir papa ?’ Moi je ne l’avais pas vu pendant 10 ans, mon père !” ajoute Mahi Binebine qui affirme : “Au Maroc, on a tourné la page, on a connu des années de plomb. Mais on est arrivé à une période où il fait bon vivre aujourd’hui. “.
Le Fou du roi, de Mahi Binebine, Stock, 176 p., 18 €.
« Je suis né dans une famille shakespearienne. Entre un père courtisan du roi pendant quarante ans et un frère banni dans une geôle du sud. Il faut imaginer un palais royal effrayant et fascinant, où le favori peut être châtié pour rien, où les jalousies s’attisent quand la nuit tombe.
Un conteur d’histoires sait que le pouvoir est d’un côté de la porte, et la liberté de l’autre. Car, pour rester au service de Sa Majesté, mon père a renoncé à sa femme et ses enfants. Il a abandonné mon frère à ses fantômes. Son fils, mon frère, dont l’absence a hanté vingt ans ma famille. Quelles sont les raisons du « fou » et celles du père ?
Destin terriblement solitaire, esclavage consenti…
Tout est-il dérisoire en ce bas monde ? Mon père avait un étrange goût de la vie. Cela fait des années que je cherche à le raconter. Cette histoire, je vous la soumets, elle a la fantaisie du conte lointain et la gravité d’un drame humain. ».
Né en 1959 à Marrakech, Mahi Binebine s’installe à Paris en 1980 pour y poursuivre ses études de mathématiques, matière qu’il enseigne pendant huit ans. Puis il se consacre à l’écriture et à la peinture. Plusieurs de ses romans sont traduits en une dizaine de langues. Il émigre à New York de 1994 à 1999. Ses peintures font partie de la collection permanente du musée Guggenheim de New York. Il revient à Marrakech en 2002 où il vit et travaille actuellement.
site : https://www.mahibinebine.com/