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Hacène Benaboura : Grand prix artistique d’Algérie 1957

L’attribution du Grand prix artistique de l’Algérie à Hacène Benaboura (1898-1970) en 1957 recueillit une unanime adhésion. Jusqu’alors ces nominations avaient souvent été contestées. Cette très haute récompense était conforme aux vœux que beaucoup d’amateurs d’art d’Algérie formaient depuis plusieurs années. Ce juste couronnement permit également de mieux connaître cet artiste modeste et attachant, à la fraîcheur de style et à la spontanéité inimitable. Hacène Benaboura, né à Belcourt, quartier de Mustapha, alors périphérique d’Alger, était un descendant des princes turcs Aboura, qui vécurent à Alger 150 ans avant la conquête, et des frères corsaires Barberousse. Son père, maquignon aisé retiré des affaires, possédait plusieurs immeubles dans la Casbah.

Après une courte scolarité Hacène entra à la Manufacture d’allumettes du Hamma. Fier de son passé de manuel, il montrait avec complaisance son bulletin d’engagement daté de 1912. L’ ” enfant de Belcourt “, il signa ainsi ses premières toiles, accomplit vaillamment son devoir militaire avant d’être réformé en 1918. De retour à Alger, Hacène devint peintre en carrosserie automobile. Ses promenades dominicales au Jardin d’Essai lui firent découvrir les peintres Noiré et Ortéga qui à cette époque y posaient régulièrement leurs chevalets.

Benaboura, qui très jeune dessinait déjà, se mit à les imiter et multiplia ses toiles. De longues années passèrent et ce n’est qu’après le débarquement anglo-américain de novembre 1942 qu’Hacène fut arraché à l’obscurité. L’épouse du sénateur Paul Cuttoli sut l’encourager et organisa en 1944 une exposition.

En 1946, René Famin présenta Galerie du Minaret la 1ère exposition consacrée au ” fils d’Alger “, une autre des signatures de Benaboura. Celui-ci révélait au grand public une totale authenticité qu’aucun enseignement n’était venu altérer. Insouciant de la technique, Benaboura peignait un univers sans angoisse et pouvait se permettre les plus étonnantes audaces. Certaines de ses œuvres étaient de véritables chefs d’œuvre de poésie et de délicatesse. Paysagiste au graphisme fin et ravissant, Benaboura affectionnait les scènes de rue mais aussi le Port d’Alger qu’il ne cessa jamais de reproduire sous différents points de vue. Ses compositions, parfois inégales, mais avec de nombreuses et brillantes réussites devinrent très recherchées par les amateurs et les collectionneurs. La naïveté enfantine, géniale, du ” Douanier Rousseau musulman “, le talent de l’ ” Utrillo spontané d’Alger ” étaient enfin reconnus.

La ville d’Alger, le Ministère des Beaux-arts firent l’acquisition de certaines de ses œuvres. En 1954, Benaboura rata de peu le Grand prix artistique de l’Algérie. Il fut classé en deuxième position. L’année suivante le Prix Aletti lui fut décerné puis plus tard l’artiste eut la fierté de se voir confier les fresques de la nouvelle école de Belcourt (Rue des Mûriers) dans le quartier qu’il n’avait jamais quitté.

Ces honneurs, ces distinctions n’affectèrent en rien la vision et la manière de vivre du paisible Hacène. Il continua, imperméable à toutes les modes, à faire défiler sous ses pinceaux les différents quartiers de sa ville.

En janvier 1958, pour fêter la consécration officielle de Benaboura, pour lui témoigner affection et sympathie, ses nombreux amis du milieu artistique organisèrent une ” Loubia ” d’honneur au pittoresque Restaurant des 7 Merveilles. L’espace s’avéra toutefois insuffisant pour accueillir tous les admirateurs de l’artiste. Les peintres Mondzain, Galliéro, Benisti, Bernasconi, Sintès, Delbays, Pierre Chartron, qui improvisa un poème à la gloire du lauréat, les ” Abd el-Tif ” Albagnac et Gisèle Mianes, le sculpteur Chouvet, mais aussi Jean Brune, M. et Mme Assus, Edmond Charlot… prirent part à cette amicale manifestation ” couverte ” par Raymond Tortora de radio Algérie et un représentant du New York Times. Hacène ne put cacher son émotion devant tant d’ ” orfèvres ” confirmant en quelque sorte le discernement du jury. La soirée ne s’acheva qu’aux limites fixées par le couvre feu. 

John Franklin.
Bibliographie disponible au C.D.H.A.
Robert Soulé in l’Echo d’Alger , 3 mai 1956.