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Histoire d’une grève à répétition à l’école des Beaux arts d’Alger par Mansour Abrous

Les performances du secteur culturel étatique sont faibles, les résultats en termes de transformation effective des réalités culturelles et éducatives sont également faibles. L’Algérie officielle s’est mise en paresse culturelle et en lassitude institutionnelle.

L’école supérieure des beaux-arts n’a plus les moyens de ses ambitions. Son potentiel est « gelé » faute d’initiatives, de vision globale, de management volontaire, d’innovation. Notre système d’enseignement artistique est déliquescent, régressif, désarticulé et il est en échec à être au cœur du développement culturel et artistique du Pays.

Le 30 juillet 2015, à l’école supérieure des beaux-arts d’Alger, un projet de réforme pédagogique pour la refonte de l’enseignement supérieur artistique est esquissé par le corps enseignant. Il traite de l’actualisation des enseignements, de la refonte des programmes et des enseignements, de la coopération scientifique et artistique internationale et de la recherche scientifique. Il devait être discuté à la rentrée universitaire avec les instances ministérielles qui ont fait de ce sujet une priorité.

En visite de travail à Aïn Témouchent, le 16 août, le ministre de la Culture, partant du constat que « les bacheliers ne s’orientent plus vers la formation artistique et que la tendance doit être inversée », estime nécessaire de remettre à niveau les programmes et les méthodologies d’enseignement des arts dans les instituts relevant de son secteur et de repenser la formation au niveau des trois instituts de son secteur.

C’est aussi le vœu de la communauté pédagogique des écoles d’art. En janvier-février 2015, les directeurs des études des écoles régionales des beaux-arts plaident pour la création d’une inspection relevant du ministère de la Culture pour le suivi pédagogique de ces établissements, et les enseignants des écoles régionales des beaux-arts travaillent sur les programmes pédagogiques des établissements artistiques.

La grève des étudiants de l’école supérieure des beaux-arts d’Alger (15 mars-10 mai 2015) a aussi pour revendication centrale, la réforme de l’enseignement artistique, le programme d’enseignement, son contenu et sa valorisation, et la pédagogie d’enseignement. Le 16 mars, ils publient un communiqué où ils souhaitent : « Élever l’école supérieure des beaux-arts au rang d’élite (…) la délivrance d’un diplôme universitaire en fin de cursus (et) une post-graduation dans toutes les disciplines existantes à l’école supérieure des beaux-arts ». Les grévistes rappellent l’inaction du ministère de la Culture, auquel ils ont soumis leurs revendications en 2012, et le fait que l’école d’Alger ainsi que plusieurs autres écoles régionales sont régulièrement en grève depuis 2006.

Ils réclament aussi à la ministre de la Culture, qui leur rend visite le 19 mars 2015, « une remise à niveau des programmes et des diplômes délivrés par l’École, une meilleure collaboration entre les deux ministères, Culture et Enseignement supérieur et Recherche scientifique, de tutelle ». À sa seconde visite à l’école supérieure des beaux-arts d’Alger, le 6 avril, la ministre de la Culture, qui ambitionne un niveau d’excellence dans cet établissement, s’engage pour que le programme pédagogique soit revu et corrigé, « avec l’implication des étudiants, du corps enseignant et des représentants du ministère de la Culture ». Au forum du quotidien Liberté, le 30 mars, la ministre de la Culture estime que l’école supérieure des beaux-arts d’Alger a besoin d’une « véritable réforme de ses programmes et de son diplôme ». Elle juge « légitimes » les revendications des grévistes de « revoir (le contenu) de l’enseignement et le diplôme ». Elle évoque le manque d’encadrement qualifié, pour l’enseignement des filières post-graduation.

C’est une constante chez la ministre, qui l’année précédente, le 20 octobre 2014, souhaite pour la formation artistique et culturelle, « l’ouverture de nouvelles filières et formations spécifiques et leur renforcement ». D’ailleurs, lors de la 2e session du comité intergouvernemental algéro-français, organisé à Paris, le 3 décembre, la ministre affirme : « Le point que nous considérons comme transversal dans le cadre de la coopération culturelle algéro-française, est la formation et l’ingénierie de la formation qui concerne autant le cinéma, le théâtre, les arts plastiques et le patrimoine. ». Elle insiste sur la refonte des programmes de formation, la nécessité de pouvoir former des formateurs et de bénéficier d’expertise en matière de contenu des programmes.

Comme pour ne pas trahir la tradition, dès la rentrée universitaire 206-2017, le 8 novembre 2016, les étudiants de l’école supérieure des beaux-arts d’Alger entament une grève. Dans une lettre adressée au ministre de la Culture, ils demandent, « l’actualisation des programmes », refusent « de quitter la cité des artistes à Zéralda où ils sont logés », réclament « l’équivalence et la reconnaissance de leur diplôme par le ministère de l’Enseignement supérieur ». Le lendemain, ils organisent plusieurs manifestations artistiques et de protestations durant la journée, dont certaines à l’extérieur de l’école : ils sont munis de pancartes sur lesquelles on peut lire : « Help. Écoutez ce que vous n’entendez pas ».

La réforme de l’enseignement artistique devient une urgence pour l’ensemble de la communauté artistique et pédagogique des écoles d’art et le ministère de tutelle. L’improvisation politique nuit à l’intérêt des étudiants et a pour conséquence l’abandon de ces patrimoines pédagogiques.


Mansour Abrous

Le 13 février 2017

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