Cet arrêt sur image est un extrait de l’œuvre magistrale de Mel Gibson, “Apocalypto”, sortie en 2006. Ce chef-d’œuvre compte plus de scènes cultes que le film lui-même. Mel Gibson et son équipe d’acteurs ont réussi à magnifier les expressions, le scénario et les jeux de rôle. Un véritable grand art. Inégalable.
Ce visage horrifié et livide exprime bien plus que la peur. Je l’ai vu dans la réalité à deux reprises. La première fois, lors d’une rencontre avec une rescapée et ses enfants d’un des massacres terroristes qui ont marqué la fin des années 90 en Algérie. Son visage était cireux, dépourvu d’âme, et la présence glaciale de la rescapée évoquait l’horreur qu’elle avait vécue. Il y avait comme une sensation insupportable qui émanait de ses yeux vitreux.
La deuxième fois, quelques années plus tard, lors d’une cérémonie funéraire où une personne présente affichait la même expression de peur. Cette personne était simplement venue rendre hommage au défunt. Son visage était semblable à celui de la rescapée. Pourquoi ?
Après des années de recoupement et de recherche, j’ai compris le courage de cette personne à affronter un territoire interdit. Ce jour-là, si tout le monde avait quitté la salle, cette personne volontaire s’est installée en prenant place sur le bord du fauteuil durant nos échanges, comme si elle était prête à fuir à tout moment. Ses yeux étaient tourmentés et la peur amplifiait ses gestes. Livide, horrifiée au départ, nos échanges ont apaisé son âme tourmentée. Les escouades de soldats Maya pillaient les villages à la recherche de victimes à sacrifier à leurs dieux sanguinaires. De la même manière, les terroristes sacrifiaient ceux qui s’opposaient à leur projet social interrompu. Qu’est-ce qui horrifiait notre imprudent volontaire ?
Pour comprendre, un voyage dans le temps était nécessaire, ainsi que des témoignages tout aussi importants. En réalité, de tels visages ne peuvent se former que si leurs auteurs ont vécu ou survécu à l’horreur.
Les dieux sanguinaires sont tout aussi humains, et ils jalonnent tous nos liens, que ce soit nos voisins, amis ou proches. La complicité diplomatique est consensuelle.
L’imprudent volontaire, bravant les dieux sanguinaires et leurs acolytes, a ouvert la voie vers la traversée depuis lors. Des tueuses, voilà ce qui lui faisait peur.
Des tueuses !
Tarik Ouamer-Ali