Depuis plusieurs siècles, nous savons que l’art possède cette petite chose qui parle à l’âme humaine. Da Vinci, dans son Trattato della pittura (le traité de la peinture), au XVe siècle défendait déjà la position de l’art comme étant une science. Puisque l’art fait appel aux mathématiques, à la géométrie, aux volumes, à la matière, à la philosophie. L’art est considérée comme une philosophie parce qu’il traite du mouvement des corps dans le pragmatisme de leurs actions et la philosophie s’étend toujours en mouvement. Il en conclue que la peinture, que nous élargissons à la notion plus générique de l’art, est une chose mentale. Mais l’art n’a jamais fait partie des sciences, il n’a jamais été anobli parce qu’il est déjà anobli par lui-même, par sa nature divine et si le commun des mortels ne le reconnait pas comme tel, c’est probablement par ignorance. L’art est un exercice de l’esprit. L’artiste en conflit sur la possibilité de son art permet finalement la possibilité de se remettre en question, de se renouveler, de se transfigurer, de se métamorphoser.
L’art est aussi proche de la poésie, en cela qu’il est aussi une réflexion sur une sensation, un désir, une frustration. Et l’oeuvre créée sans occasion (lire Kierkegaard), sans sincérité de son auteur se sent (sentir : percevoir par tous les sens et en extra-sensoriel). Il est encore plus difficile de toucher à l’intime individuel et collectif. Le mystère du sacré reste un domaine inconnu, délicat sinon inquiétant. Cela n’a jamais empêché des artistes d’explorer cette voie.
Ainsi, l’exposition de Yazid Kheloufi “les encres de l’âme”, visible du 9 février au 9 mars 2019 à la galerie Seen Art, Alger, illustre parfaitement cette unicité entre la spiritualité et l’art. On utilise souvent des mots en les desséchant de leur sens profond. Dès lors, des mots comme “mystique” ou “sacré” sont usités en s’arrêtant à leur surface.
L’exposition de Yazid Kheloufi démontre le contraire. Par ses créations, il révèle des secrets, il dévoile un monde imaginal, enfin, il matérialise l’invisible et nous ouvre, par son expression plastique, le chemin de l’indicible. Il crée avec l’esprit et le cœur. Dès notre arrivée en cet endroit, on est saisi d’une émotion. On ne sort pas de cette expérience ou épreuve sans trace. Cette empreinte s’y imprime comme ses œuvres gravées en d”interminables entrelacs, en conflit ou en étreinte passionnée. On y ressent de la force et de l’inspiration guidées par un esprit, par de l’intelligence et surtout par une sincérité devenue si rare dans les milieux de l’art actuel. Avec des peintures, des bas-reliefs, des sculptures, des photographies, de la vidéo, les lettres arabes communiquent comme élément graphique et esthétique mais aussi indépendamment de la langue qu’ils véhiculent. Chaque élément en devient un témoignage d’une science et un vecteur d’une valeur ésotérique. L’exposition “les encres de l’âme” est un hymne à l’harmonie cosmique, à la vie et l’amour. L’artiste nous invite à discuter de cœur à cœur, d’âme à âme, d’esprit à esprit et c’est bien rafraîchissant comme rencontre car l’art n’a jamais parlé d’autre chose que de l’existence ?!
L’adage dit “Il y a une voix qui n’utilise pas les mots. Écoute ” – Djalal-od-dine Rûmi
Neila Djedim
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