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Les mardis c’est permis : Exposer l’indignité

 

La visite de l’exposition “World Press Photo Exhibition 2018”, visible du 23 janvier au 14 février 2019 au Musée National Public d’Art Moderne et contemporain d’Alger, donne un aperçu sur les photographies ayant reçu un prix et qui ont été publiées dans la plus grands médias internationaux. Ce domaine connu sous le nom de “photo-journalisme” nous offre un regard sur ce qui se passe dans le monde. Mais voilà, ce qui peut être constaté également, c’est le nombre de photographies se situant dans les pays du Sud. Vous vous dites sûrement que c’est normal, vu les situations instables et troubles que vivent ces pays.

 

Premier prix world press photo 2018

 

Mais posons-nous la question Qui représente quoi et pour qui ? Sur ces clichés présentés comme des œuvres, aux couleurs chatoyantes, aux compositions répondant à l’esthétique de peintures, ces photographies sont, pour la majorité, les œuvres de reporters du nord sur les petites gens du sud. Sans trop verser dans le simplisme, ce qui frappe dans ces images chargées d’émotion, c’est la mal vie ! Oh combien c’est dur pour une personne ayant vécu des moments d’extrême violence de faire face à ce regard de l’Autre.

Est-ce que les personnes, apparaissant sur ces photos, changent de vie suite à ces reportages ?  Non. La petite fille afghane au regard pers(ç)an(t), reviendra à sa vie, sous le poids des règles sociales imposées par les Talibans ; ou encore, les jeunes filles dont les vies ont été complètement ruinées par des viols à répétition par Boko Haram.

La colonisation a laissé des traces, mais aussi beaucoup de documentations sous couvert parfois de recherches scientifiques et ethno-anthropologiques ou tout simplement de photos souvenirs de militaires abusant de leur domination. La musée royale à Tervueren, en Belgique, possède une collection pour le moins étonnante d’images photographiques sur les indigènes d’Afrique centrale. Ces images qui, dans un contexte colonial, semblaient étudier les différences ethniques, morphologiques, les pratiques et rites “primitifs” restent encore exposées à ce jour. Mieux encore, certains artistes hollandais ou belges, contemporains, les utilisent pour dénoncer ces pratiques, selon leurs dires. Mais encore une fois, le public ciblé est européen. Et celui qui est représenté, à qui nous n’avons jamais donné la parole, continue à assister à son exhibition sans pouvoir commenter, rectifier ou même proposer une image qui lui semble propre.

Plus récemment, un livre (Sexe, race et colonies) de Pascal Blanchard est sorti. Les images sont tout simplement insupportables pour l’œil du XXIe siècle. Blanchard dit même que «Ces images sont la preuve que la colonisation fut un grand safari sexuel»Le pire est que les images sont les trophées de ces agissements barbares.

 

 

A ces images qui font mal, s’ajoutent d’autres, qui pendant la décennie noire en Algérie, circulent. Le photographe suisse Michael von Graffenried, escorté par des militaires cagoulés, immortalise des regards traumatisés et piégés de citoyens dans un climat de terreur. Photo-journalisme ou mise en scène ? L’organisation des photographes hollandais qui ont créé World Press Photo n’ont peut-être pas eu comme objectif d’exposer la misère qui se trouve loin de chez eux, mais le ressenti est tout autre pour ceux qui le vivent au quotidien.

L’adage dit “On n’est jamais si bien servi que par soi-même”. Alors, n’attendons pas l’Autre et proposons une re-présentation de nous-mêmes.

 

Nommé pour le world press photo 2018, Adam Ferguson – Boko Haram

 

Neila Djedim

 

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– Site du Musée national public d’art moderne et contemporain d’Alger
https://www.mama-dz.com
– Site du musée de Tervuerenhttps://www.africamuseum.be
– Lien pour le livre de Pascal Blanchardhttps://www.editionsladecouverte.fr