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Place d'Algérie à Djerba, Tunisie

Performance en signalétique, performers en indignité par Mansour Abrous

L’Institut national supérieur de musique, sur instruction du président de la République , sera baptisé, du nom d’un artiste égyptien, compositeur de la musique de l’Hymne national algérien. Le ministère de la culture est étranger à cette décision. Il est par extension étranger à la culture dans son acception politique, et sa dimension symbolique et patrimoniale.

Il est étrange et assourdissant d’entériner une telle proposition. Le ministère de la culture est garant de la mémoire artistique nationale. Il avait moult occasions de démontrer son intérêt pour les Hommes de culture.

Le ministère de l’intérieur et des collectivités locales a lancé, pour 2016, une opération de « baptisation des lieux et édifices publics » . De 2014 à 2017, l’opération de baptisation a touché 90.000 rues et édifices à l’échelle nationale . Certes, en Algérie, la toponymie est un outil d’instrumentalisation politique et mémorielle, mais il y avait de la place pour honorer nos aînés ! Pour « fixer » la mémoire culturelle et artistique du Pays, le ministère de la culture peut et doit saisir cette opportunité pour proposer des noms d’artistes, de plasticiens, pour baptiser les institutions (musées, écoles d’art …) et les rues. C’est l’occasion de ré-historiciser l’espace public. Les Hommes de culture, les artistes, appartiennent à la mémoire collective et leurs noms méritent d’être préservés.

Quelques expériences de mise à l’honneur des artistes et de reconnaissance de leur parcours artistique sont concluantes. La salle d’exposition de la maison de la Culture de Khenchela est baptisée, le 31 décembre 2015, du nom du plasticien Hakkar Lazhar, à l’occasion du salon national des arts plastiques. Au Palais de la culture de Skikda,  la galerie d’art, inaugurée le 9 avril 2016, porte le nom de l’artiste peintre Ramdane Abdelaziz. Cette année, un espace au musée des beaux-arts d’Alger, prend le nom de « Khadda Mohamed ». C’est une avancée, mais c’est peu d’événements pour fertiliser la mémoire collective, vidangée depuis des décennies de tout rapport à la culture et à l’art.

La position du ministère de la Culture est des plus ambiguës. Elle prend peu d’initiatives et quand c’est le cas, les choix sont malheureux, pris sans concertation. Ainsi, le choix du nom à donner au théâtre de Constantine crée une polémique. Sous la pression du directeur du théâtre, des comédiens, et du personnel de l’administration et des amis du théâtre de Constantine, le ministère de la Culture annule sa décision . D’autres exemples traduisent le manque de courage, de décision et peut-être d’intérêt du ministère pour cette action patrimoniale. En décembre 2011, la communauté artistique propose de nommer l’école régionale des beaux-arts d’Azazga du nom de M’Hamed Issiakhem. Cela n’est suivi d’aucun effet. Le 5 mars 2016, le wali de Béjaïa indique qu’une réflexion est en cours pour baptiser la maison de la Culture de Béjaïa, qui est pourtant dénommée, depuis des années, « Taos Amrouche ». Le 27 mars 2016, le ministre de la Culture inaugure la nouvelle école des beaux-arts de Mostaganem. La plaque nominale n’indique pas le nom de « Mohamed Khadda », l’école étant déjà ainsi désignée.

En attendant, de grands noms de penseurs et d’artistes ornent le fronton de nombreuses institutions culturelles ou de places publiques à l’étranger [« Arkoun Mohamed », «Taos Amrouche », « Lounes Matoub », « Abdelmalek Sayad »].

Les indignités sont florissantes et des démissions se perdent !

Mansour Abrous
29 nove 2017
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