Mohand Akham est né l e 30 mai 1936 au village de Taboudoucht, à Azeffoun. C’est au quartier de Derb-Esseltan, à Casablanca, à la fin de l’année 1956, qu’il s’intégra dans les rangs de l’ALN. Un jour un de ses camarades mécanicien, Mohamed Khaïli, le voyant noircir les murs de la base militaire de Skhirat avec des outils d’un autre âge, lui dit :” Mais pourquoi ne fais-tu pas de la vraie peinture ?”.C’est le déclic. A l’indépendance, c’est tout naturellement qu’il rencontra M’hamed Issiakhem qui était alors aux Beaux-Arts à Alger. En 1979, Sid Ahmed Agoumi, alors directeur de la maison de la culture de Tizi-OUzou, lui donna l’occasion d’exprimer ses talents.
Jusqu’à l’âge de 18 ans, son univers se limitait aux crêtes des collines qui entouraient Taboudoucht, son village natal (celui de M’hamed Issiakhem aussi), les champs, les clairières et les bosquets où l’on allait paître les moutons. “Je m’en souviens très bien, je n’ai dû quitter ma colline et mes brebis qu’à trois occasions bien précises et toujours en compagnie de mon père. Deux fois à Port-Gueydon (Azzefoun, aujourd’hui), pour des courses importantes à faire au marché et une fois à Azzazga, consulter un médecin. Comme tout berger qui se respecte, Mohand Akham s’ingéniait à fabriquer de belles flûtes, dans le meilleur roseau qui puisse pousser et apprenait à en jouer. Après l’âge de la flûte, l’âge de la pierre a été pour lui le second lien avec ce qui pourrait être l’expression artistique.
Il sculptait sur des pierres, et bizarrement, souvent des portraits. “La première fois que j’au eu la sensation de peintre, c’était entre 1956 et 1957, à Skhirat, une base militaire de l’ALN, à la frontière algéro-marocaine. Je venais de peindre pour la première fois, avec le charbon d’un bout de bois calciné, récupéré sur les restes d’un feu de camps. J’avais reproduit, sur l’un des murs de notre base, ce qui été pour moi l’une des plus grands frousses de ma vie à l’époque : le portrait d’un tirailleur sénégalais. Un colosse avec une barbe qui lui arrivait jusqu’au nombril. Il m’avait surprise, au détour d’un chemin qui menait à Mira, village où vivait ma grand-mère, de chez laquelle je devais rapporter, ce jour – là, des figues sèches. “Où vas – tu Mohamed ?” me dit-il, un gros fusil pointé dans ma direction. Mes 18 ans n’avaient pas résisté à la grande peur qui me terrorisa. Le soir, cette peu avait été exacerbée par le propose de mon père, à qui j’avais relaté la rencontre :” Tais-toi ou les sénégalais vont venir t’égorger !”
Les années de guerre
C’était en pleine guerre pour l’indépendance de notre pays que Mohand Akham a commencé à s’initier aux rudiments de la peinture, à découvrir la gouache et à faire, pour commencer : ” Suite au conseil de révision ordinaire, que je devais passer, et à un conseil de famille extraordinaire qui s’était tenu, il fut décidé de m’envoyer au Maroc, en compagnie de mon oncle pour éviter mon incorporation dans l’armée française. Dans le train durant mon premier vrai voyage, hors de mes collines, j’évitais tous les wagons où je risquais de rencontrer des sénégalais. Le souvenir de la terrifiante rencontre, dans ces montagnes de Kabylie maritime, était encore vivace”.
C’est au quartier de Derb-Esseltan, à Casablanca, à la fin de l’année 1956 que Mohand Akham s’intégra dans les rangs de l’ALN. Quelques jours plus tard, il fut affecté sur une base d’instruction de l’armée de libération algérienne, pas loin de la ville de Meknès, sous le commandement de Si Bilal. Après la visite chez le docteur Makkaci, Akham fut dirigé vers les bases de Skhirat et Temara. ” On y avait fabriqué des armes pour l’ALN, jusqu’à l’indépendance”.
M’Hamed Issiakhem
A l’indépendance, beaucoup de rêves étaient permis. ” Je me voyais déjà, en tête d’affiche.” C’est tout naturellement que notre artiste se fit enrôler par M’hamed Issiakhem, qui était alors aux Beaux-Arts à Alger : ” C’était un ami à mon grand frère Belkacem qui avait fait les Beaux-Arts. Nous étions du même bled et je me croyais artiste. Après l’entretien, j’ai vite déchanté quant à une accession rapide dans le monde des grands peintres. Issiakhem m’a gentiment fait comprendre que le manque d’instruction était fortement handicapant. Ce qui ne l’a pas empêché, quelques années plus tard, de me faire participer à une exposition, sous forme de concours. C’était en 1967. Ce jour-là, mon frère Belkacem a eu le 2ème prix, je ne me souviens plus du premier. En récompense, mon frère Belkacem s’est payé un voyage en Turquie. Moi, je n’avais rien gagné. J’avais encore du chemin à faire !”
Traversée du désert !
Mohand Akham fut contraint de vendre le produit de ses rêves, d’abord chez un magasin de meubles à Hussein Dey, puis, sur les places publiques, à Bab-El-Oued notamment, durant l’année 1967. Il a même dû aller au Sahara travailler, comme mécanicien pour le compte d’une société américaine spécialisé dans la prospection pétrolière à Oued El Bghel : ” j’ai squatté un coin, d’un hangar où les travailleurs du chantier s’abritaient du soleil saharien. J’en avais fait mon atelier de peinture, ma salle d’exposition et mon point de vente. Je peignais ces mille et un mirages, faits de dunes et de caravanes, que seul le désert sait en faire. “How much ?” me disaient les américains qui travaillaient sur le site. “One hundred dinars !” Que je répondais. Tous mes tableaux de l’époque sont, certainement, sur des murs de maisons texanes, aujourd’hui. J’avais plutôt bien mangé, à cette époque là”. De retour au Nord, et jusqu’à 1978, “rebelote”. Il avait fondé un foyer et le nombre de portraient sur le tableau de sa vie grossissait, des portrait bien vivants, qu’il fallait bien nourrir. Durant cette période, Tizi-Ouzou fut pour Mohand Akam la principale escale. Il continua d’exposer “là ù je pouvais le faire, mes tableaux qui représentaient, principalement, les multiples facettes de mes collines préférées.”
C’est en 1979, que Sid-Ahmed Agoumi, alors directeur de la maison de la culture de Tizi-Ouzou, lui donna l’occasion d’exprimer ses talents, d’exposer et de vendre ses tableaux. “Pour l’anecdote, il m’avait offert à l’époque 750 DA pour un de mes tableaux. Dans la tête de l’artiste bourlingueur que l’étais, c’était le record des gros lots”.
Aujourd’hui, que devient Mohand Akham ?
“Je peins de moins en mois, par ce que le quotidien est ce qu’il est, mais je crèverai bien le pinceau à la main. Je suis tout de même heureux. Deux de mes filles, sur les douze vrais portraits que la providence m’a offert, Ferrodja et Faïza semblent être sur les traces de leur père. Avec j’espère, plus d’opportunités que je n’en ai eues, pour vivre pleinement mon art”.
Tarik Yacine
Article paru sur la revue Passerelles
N°13 – Nov 2006
Passerelles (Mensuel culturel)
En 2014, des artistes peintres dont la plupart est venue d’Alger, ont rendu hommage à un des leurs vendredi en l’occurrence Mohand Akham, 78 ans, qui vit à Taboudoucht, dans la commune d’Aghribs. L’hommage a été possible grâce à une dame; Djamila Kebla, qui a eu déjà à organiser un hommage à Issiakhem, le soutien d’artistes et de l”APC d’Aghribs dont son président, M. Rabah Yermeche.
Expositions collectives (Alger 1967, 1983 ; Tizi- Ouzou 1979 ; Azzefoun 2006.
Bibliographie : Catalogue 1er Grand prix de peinture de la ville d’Alger (1967) ; El Moudjahid 5/5/1983 ; Les artistes algériens. Dictionnaire biographique de Mansour Abrous (ed. Casbah, Alger 2002) ; Passerelles n°13 novembre 2006 ; Diwan Al Fen. Dictionnaire des Peintres, Sculpteurs et Designers Algériens de Djamila Flici guendil (ed. enag-Anep, Alger 2008).