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Bill Viola, Stations, 1994, MoMA

Qu’est-ce que l’art vidéo ?

Cette article a été publié le 22 Nov 2021 sur la plate forme Artsper, fondée en 2013, qui est une marketplace en ligne d’art contemporain. En partenariat avec 1 800 galeries d’art professionnelles autour du monde, elle rend accessible à tous la découverte et l’acquisition d’œuvres d’art.
 

L’art vidéo désigne à la fois un mouvement artistique, borné dans le temps, avec ses artistes et sa grammaire propre, mais aussi un médium d’expression artistique, accessible à tous. Faisant partie intégrante de l’histoire contemporaine, l’art vidéo a beaucoup évolué depuis sa naissance dans les années 60. Et il ne cesse de se réinventer à la faveur des innovations technologiques et des nouveaux usages. Alors avec toute cette hétérogénéité de styles, essayons de comprendre ce qu’est l’art vidéo.


Bill Viola, Stations, 1994, MoMA

 

La naissance de l’art vidéo

Dans l’histoire de l’art telle qu’elle est racontée, l’art vidéo est né un beau matin de mars 1963, dans la galerie Parnasse. Elle se situe à Wuppertal, une petite ville de 300.000 habitants près de Düsseldorf. Il faisait froid peut-être.

Ce jour-là, Nam June Paik dispose 13 téléviseurs. À l’époque, avec leur tubes cathodiques reproduisant les couleurs dans de petits écrans, ce sont des bijoux d’innovation. Mais surtout, dès les années 60, ils deviennent le symbole du divertissement de masse et de la société de consommation et de loisir. Alors l’artiste se saisit de ces petits écrans, et y place un gros aimant. Ce faisant, l’image se distorde, s’entortille, et finit par ressembler à une forme spectrale et hallucinogène, prête à hypnotiser le spectateur…


Nam June Paik, Exhibition of music electronic television, 1963

 

La place du regardeur

Ce rapport à la télévision va profondément marquer l’art vidéo. Celui-ci porte en effet en son sein une critique qui questionne la place du spectateur par rapport à cette image. En 1967, Sony invente la Portapack, une caméra portable, à un prix accessible, facile d’emploi, tout terrain. Elle arrive en même temps que le naissance de l’art performatif et que le mouvement Fluxus, dont Nam June Paik est l’un des fondateurs. Comme les autres membres de ce groupe, il s’interroge sur la nature de l’art et son rapport au regardeur. Il questionne la notion du temps de l’œuvre et du temps de la mémoire. Et justement, la vidéo parvient à soulever de telles interrogations.

Dans l’œuvre Present Continuous Past(s) de 1974, Dan Graham s’amuse de ce rapport au temps. Le spectateur pénètre dans une salle couverte de miroir. Sur les murs, son image se reflète, instantanément, à la vitesse de la lumière. Mais dans les coins, quelques écrans reliés à des caméras placées dans la pièce, retransmettent la scène qui se joue avec un léger décalage. Le spectateur se retrouve ainsi confronté à sa propre image, une nouvelle fois. Mais cette fois, elle vieille de quelques secondes. Pendant ce court écart, l’art a transformé son rapport au temps, et à sa propre personne.

On retrouve ainsi dans l’art vidéo à la fois une réflexion sur la place du spectateur, mais aussi une mise en scène spécifique. Nam June Paik crée des sculptures en agençant des écrans, Dan Graham crée une tension avec des miroirs, et chaque artiste y va de sa propre installation.


Dan Graham, Present Continuous Past(s), 1974

 

Les grands artistes vidéastes

L’artiste américain Bill Viola par exemple, est passé maître dans l’art vidéo. Issu de la seconde génération d’artistes vidéastes, il s’approprie les grands thèmes de l’histoire de l’art. Comme la vie, la mort, la nature, les éléments, la beauté. Dans son travail, la caméra a remplacé le pinceau. Ces recherches, il les traite avec un soin immense porté à l’esthétique. Le spectateur est alors invité à une contemplation presque religieuse de ses œuvres.

Aujourd’hui, l’art vidéo a conquis les institutions du monde de l’art. Il n’est pas rare de trouver dans le cadre d’une exposition d’art contemporain une œuvre mêlant l’image, le son, l’art plastique et la vidéo. Et il est intéressant de noter que dans l’Art Index on retrouve au moins 4 artistes vidéastes dans le top 10 des artistes les plus importants de l’art contemporain.

Ces quatre artistes qui ont un lien avec l’art vidéo, et qui sont consacrés par le monde de l’art à l’échelle internationale, sont Bruce NaumanCindy ShermanWilliam Kentridge et Pipilotti Rist.

L’œuvre de Pipilotti Rist est d’ailleurs notable dans les proportions qu’a pris l’art vidéo au cours des dernières décennies. En 2016, elle a ainsi été sélectionnée pour exposer son œuvre à Times Square. Il s’agissait de 62 écrans vidéo, de taille monumentale, au beau milieu de tous les écrans publicitaires de Times Square. Sur ces 62 écrans, en boucle pendant plusieurs jours, passaient plusieurs vidéos. Elle y écrasait son visage maquillé contre une vitre placée à quelques centimètres à peine de l’objectif de la caméra. Son visage ainsi déformé, son maquillage étalé, elle interrogeait, brutalement, le regard que le spectateur porte sur les canons de beauté féminins.


Pipilotti Rist, Open my Glade, Times Square, 2016

 

L’art vidéo : un champ d’expression vaste

Il est néanmoins difficile d’enfermer l’art vidéo dans une simple définition. Certains artistes mettent en œuvre des moyens techniques pharaoniques, comme Matthew Barney ou Steve McQueen. D’autres au contraire insistent sur le rendu non-professionnel comme Andy Warhol. Certains s’aventurent dans la fiction, tandis que d’autres flirtent avec l’abstraction. Et les frontières avec le cinéma et le clip de musique sont extrêmement floues, voire très poreuses. On pense notamment à Louis Buñuel qui développa le surréalisme dans le cinéma. On peut penser aussi à Steve McQueen qui est à la fois artiste vidéaste, mais aussi réalisateur de films et de clips. Ou encore JR, qui bien qu’artiste urbain à l’origine, n’a pas hésité à collaborer avec de grands acteurs tels que Robert de Niro, ou des réalisateurs comme Agnès Varda pour produire des courts métrages saisissants par leur beauté et leur puissance.


JREllis, 2015

 

L’avenir de l’Art Vidéo

Toujours est-il que l’art vidéo ne cesse d’évoluer à la faveur des nouvelles technologies et des nouveaux usages. À l’heure où tout le monde possède une caméra 4K dans la poche, comment l’art vidéo parvient à s’adapter à ces nouvelles tendances ? L’encre de cette question demeure humide, et il nous faudra d’avantage de recul pour discerner l’impact de ces grands bouleversements sur l’art vidéo.

Source : Artsper

 

 

Bruce Nauman, Pipilotti, Bill Viola, Marina Abramovic, Vito Acconci, Peter Campus, Douglas Gordon, Ira Schneider, Eve Sussman, Beryl Korot, Wolf Kahlen, Colin Campbell et Lisa Steele comptent parmi les artistes vidéo les plus représentatifs au monde. L’art vidéo peut être classé en quatre catégories: pour documenter des situations éphémères, des enregistrements sur bandes monocanal (production vidéo à projeter sur un seul moniteur ou écran), des installations vidéo et sculptures vidéo.