Le tapis : Depuis plusieurs années, l’immigration clandestine des jeunes algériens vers l’Europe, le déracinement, le désir d’exil, et l’illusion de l’eldorado ont été au coeur du travail de Sadek Rahim. Elément domestique commun à tous les intérieurs algériens, le tapis cristallise, matérialise, l’idée du départ au travers du mythe de la lévitation qui lui est attaché: le tapis « volant » est l’objet qui permet, littéralement, de s’arracher à la pesanteur, de voler vers une
destination meilleure.
Chez Sadek Rahim, l’utilisation du tapis comme moyen plastique est une manière de « mettre en échec le mythe du tapis volant comme métaphore de l’échec du mythe de l’eldorado ». Dans Gravity³, le tapis est déconstruit, mis en pièce, disséminé en particules volatiles, réduit en cendres…mais dans le même temps réhabilité en création plastique, comme un nouveau départ. Le moteur, la pompe et autres mécaniques : Nouvellement venus dans le vocabulaire de Sadek Rahim, les éléments mécaniques font écho au regard critique que pose l’artiste sur la politique
économique menée dans le pays depuis plusieurs décennies : ce qui est cassé, obsolète, à l’abandon, au rebut, ce qui a été perdu, gâché, ce qui ne fonctionne plus…Au travers de ces objets de rebut, symbole pour l’artiste d’une Algérie en panne, la sémantique, au propre comme au figuré du « moteur » et de la force motrice est ici convoquée. C’est ainsi tout l’univers quotidien de l’Algérie dans laquelle vit l’artiste, réapproprié, repensé, avec poésie et acuité, et un regard à la fois critique et confiant.
Enfin, parce que le mouvement est précisément ce qui défie la gravité, Sadek Rahim nous fait entrer dans la danse. Alors, avec la complicité de Melissa Ziad, la très jeune égérie et désormais symbole du « Mouvement » ( le «Hirak», initié le 22 février 2019), de la jeunesse et du renouveau, et la collaboration du chorégraphe Angelin Prejlocaj, dont la captation de l’oeuvre « Gravité » sera présentée en exclusivité au coeur de l’exposition, Gravity³ donne, dans son foisonnement d’oeuvres et de sens, matières à voir et à penser les outils critiques, politiques et esthétiques, de
la contestation et de l’espoir. En ce moment historique pour l’Algérie, l’exposition de Sadek Rahim rappelle à quel point l’art et la création infusent le sens de l’Histoire, l’exprime, la comprend, et ouvre des voies.
Marie Deparis-Yafil
Commissaire de l’exposition
Du 07 juillet au 31 août 2019, Vernissage le Samedi 06 Juillet à 17h
Lieu : MAMO (Musée d’Art Moderne et Contemporain) d’Oran
Adresse : MAMO – 5 et 7 Rue Larbi Ben M’hidi Oran
Un catalogue, 120 pages bilingue français-anglais sera publié suite à l’exposition, avec, sous
réserves, des textes de Kamel Daoud, Marie Deparis-Yafil, Yves Jammet, Nadira Laggoune.
Contact
artistsadek@gmail.com