L’Algérie a acquis plus de 600 documents anciens lors d’une vente aux enchères organisée fin mars 2017 à Toulouse, en France. Il s’agit de livres, de cartes, de lettres, de manuscrits, de photos, de gravures et de récits de voyages qui concernent l’Algérie depuis le XVIe siècle.
C’est un événement. Vendredi 31 mars 2017, à Toulouse en France, l’Algérie a acquis pour 94 000 euros plus de 600 documents historiques, entre livres, cartes et photos, datant de la présence ottomane et des premières soixante années de la colonisation française. L’Algérie était représentée par Hamidou Messaoudi, directeur général de l’ENAG (Entreprise nationale des arts graphiques) et commissaire du Salon international du livre d’Alger (Sila), Yasser Arafat Gana, directeur par intérim de la Bibliothèque nationale et un représentant du consulat d’Algérie à Toulouse.
La vente aux enchères a été organisée par les commissaires-priseurs Xavier Marambat et François de Malafosse au niveau de l’Hôtel des ventes Saint-Georges sous la responsabilité de l’expert Eric Casteran. «Un compatriote établi à l’étranger a informé M. Gana de la préparation de cette vente aux enchères. Nous nous sommes renseignés et nous avons vite obtenu l’accord du ministère de la Culture pour participer à cette vente. Il fallait répondre à certaines conditions.
Aussi, le ministère des Affaires étrangères nous a-t-il soutenus. Il fallait par exemple avancer une caution de 4000 euros. Notre consulat à Toulouse a fait tout ce qu’il fallait faire pour que nous soyons présents», a indiqué mercredi soir Messaoudi Hamidou, invité de l’émission «Al Thaqafa oua nass» d’Echourouk TV. Selon lui, la vente aux enchères n’a pas été facile en raison de la présence d’une trentaine de collectionneurs.
Résultats de la vente du 31/03/ 2017 LIVRES : Bibliothèque sur l’Algérie (prix au « marteau »)
https://www.marambat-malafosse.com/wp-content/uploads/2017/01/R%C3%A9sultatsvente-Alg%C3%A9rie31mars2017.pdf
Intérêt des Pieds-noirs
«Nous avons constaté la présence de pieds-noirs et de personnes de confession juive qui ont vécu en Algérie. Les institutions françaises participaient aux enchères à travers internet. Elles étaient très offensives», a-t-il noté. Yasser Arafat Gana a précisé, pour sa part, que l’Algérie a acquis des cartes, des manuscrits et les livres que la Bibliothèque nationale de France ne possède pas. «D’où la forte concurrence durant la vente. Nous sommes arrivés jusqu’à miser plus de 1000 euros pour un livre, parfois dix fois la valeur initiale», a-t-il dit.
L’Algérie a, par exemple, acquis pour 3000 euros une édition originale d’un livre de Louis Adrien Berbrugger, Algérie historique, pittoresque et monumentale. Il s’agit d’un recueil de vues, de monuments, de cérémonies, de costumes, d’armes et de portraits dessinés accompagnés de textes. Le livre, édité vers 1843, décrit les localités, les mœurs, les usages, les coutumes, les jeux et les divertissements des Algériens à l’époque. «Les livres et les cartes acquis s’intéressent à tous les aspects de la vie, y compris à l’agriculture et à la distribution des terres.
Il y a même des documents qui décrivaient l’Algérie et préparaient l’invasion commandés par les autorités militaires. Des documents écrits par des anthropologues, des historiens et des experts militaires», a précisé Yasser Arafat Gana. Les documents acquis étaient détenus par des particuliers. «Nous nous sommes entendus avec les responsables de la ventes aux enchères pour qu’ils nous fournissent l’historique pour connaître leurs origines», a indiqué Messaoudi Hamidou.
La règle, selon Yasser Arafat Gana, est que les livres ne peuvent pas être répertoriés et classés à la Bibliothèque nationale sans que l’origine ne soit connue et sans la forme d’acquisition ne soit définie (achats, dons, etc). «Cette acquisition d’une dimension souveraine entre dans le cadre des efforts déployés par l’Algérie pour récupérer des archives. Les chercheurs algériens pourront ainsi mener des études historiques sur la base de documents fiables», a souligné le ministère de la Culture dans un communiqué rendu public cette semaine.
2% des archives nationales récupérées !
L’ENAG, selon Hamidou Messaoudi, rééditera certains ouvrages. «Nous allons également organiser une exposition des documents acquis pour que le public puisse les voir. On choisira un endroit adéquat pour cela», a-t-il indiqué. Selon lui, la somme de 94 000 euros n’est presque rien devant la valeur historique des documents acquis. «Pour faire plus simple, c’est la valeur de la moitié d’une voiture de marque Audi !», a-t-il dit. Il a précisé que les autorités politiques font tout pour récupérer les archives de l’Algérie à l’étranger, notamment en France, en Turquie, en Egypte et dans d’autres pays.
Selon Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, l’Algérie n’a récupéré que 2% de ses archives détenues par la France depuis l’indépendance du pays. L’Algérie a reçu le premier lot d’archives en 1967, composé de 450 registres. Deux autres lots de moindre importance ont été envoyés en 1975 et 1981. Sur décision de l’ancien président François Mitterrand, l’Algérie n’a plus reçu d’archives de France. Paris considère certains documents comme des «archives de souveraineté».
Plusieurs groupes mixtes se sont réunis depuis les années 1980 sans réellement aboutir. «Les relations entre les deux pays ne peuvent êtres normales sans le règlement du dossier de la Mémoire et la satisfaction de la revendication de l’Algérie relative à la restitution de la totalité de ses archives spoliées lors de l’occupation française», a soutenu Tayeb Zitouni, dans d’une déclaration à l’agence APS.
Fayçal Métaoui
source : El watan du 7 avril 2017